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Montalembert, voyant en M. de Falloux une intelligence ouverte, une nature heureusement douée, l’avait pressé de se mettre à l’œuvre, de prendre la plume, l’arme de combat. C’était pour lui comme le couronnement de l’éducation, des voyages et des salons, une sorte d’entrée dans la vie publique. Il ne demandait pas mieux, il s’y préparait, l’émulation littéraire le gagnait. On ne peut pas dire, il est vrai, que le jeune ami de Mme Swetchine eût une vocation et des idées littéraires bien décidées. Il avait l’éblouissement de Chateaubriand ; il était revenu de Vienne avec l’enthousiasme de Joseph de Maistre, dont il avait pu lire l’éloquente lettre sur Eugène Costa, alors inconnue en France. Au-delà, il ne savait guère que ce que pouvait savoir un jeune homme du monde à l’esprit facile, pour avoir vu passer quelques écrivains dans les salons, sans trop distinguer entre Balzac, Delphine Gay et M. Brifaut. Sa première, pour ne pas dire, avec lui, son « unique école littéraire, » avait été une société qui ressemblait peut-être un peu à une société d’initiés, la maison d’un aimable poète du temps, M. Jules de Rességuier, où on était à la fois royaliste et lettré, où régnaient Emile Deschamps, Alexandre Guiraud, Soumet. Le maître des sarcasmes qui jamais ne ménagea ses amis ou ses alliés, le mordant Louis Veuillot a prétendu un jour que M. de Falloux avait « appris à écrire, en faisant ses livres. » Il ne s’en défend pas ! Il avait plus de dons naturels que d’instruction, et sa littérature ne pouvait qu’être l’expression d’une nature distinguée, le fruit d’une éducation plus brillante que profonde. Les premiers écrits, par lesquels il se révélait coup sur coup, Louis XVI, la Vie de saint Pie V, étaient évidemment moins des ouvrages sérieusement historiques, que des études où il s’essayait, où il mettait ses impressions de lecture, ses goûts, ses vues sur les révolutions politiques et religieuses, — les vues d’un jeune homme qui « voulait travailler. »


III

De ces écrits de jeunesse, l’un, le premier, Louis XVI, était surtout une œuvre de sentiment. M. de Falloux y avait été conduit par le souvenir des récits qu’il avait entendus dans sa famille, par son instinct royaliste, par l’attendrissement d’un cœur généreux pour la plus douloureuse et la plus imméritée des infortunes royales. Il n’avait pas uniquement cédé cependant à une simple inspiration de loyalisme sentimental, et il ne s’était même pas borné à recueillir les témoignages des survivans du grand drame. Il avait abordé, avec une idée plus sérieuse, le tragique sujet. Il