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pu être une désagréable surprise ; il ne change ni la situation parlementaire qui reste ce qu’elle est, ni surtout la situation générale du pays où l’immense majorité nationale paraît toujours attachée à la monarchie et à la régence.

Pour le moment, d’après toutes les apparences, M. Sagasta reste maître des affaires avec sa majorité, avec son parlement nouveau. Cette petite recrudescence républicaine des dernières élections n’en est pas encore à être un péril, — et si les républicains devenaient un danger, tous les partis monarchiques, libéraux et conservateurs, se trouveraient de nouveau réunis pour la défense des institutions. Ce n’est pas de là que peuvent venir les difficultés pour le ministère libéral et pour son habile chef. La vraie difficulté pour M. Sagasta est de garder son équilibre entre les partis, de maintenir la bonne intelligence dans sa propre majorité, dans cette majorité plus apparente que réelle, assez divisée dans le fond, où il y a des constitutionnels modérés, des démocrates ralliés à la monarchie, des protectionnistes, des partisans de la liberté commerciale. Il a déjà passé par cette épreuve dans ses précédens ministères, et malgré son habileté de tacticien, malgré son art de temporisation, il n’a réussi qu’à demi et pour peu de temps dans cette expérience. M. Sagasta a profité des divisions des conservateurs et a succédé à M. Canovas, comme M. Canovas avait profité des divisions des libéraux et avait succédé à M. Sagasta. C’est le jeu de la politique espagnole depuis quinze ans, surtout depuis l’avènement de la régence. Le nouveau président du conseil sera-t-il plus heureux cette fois ? C’est toute la question qui se débat au-delà des Pyrénées.

Tout se passe aux États-Unis avec une simplicité qui n’est pas sans grandeur, on vient de le voir encore une fois par la paisible inauguration de la présidence nouvelle à Washington. Après la violente campagne qui avait agité pendant quelques mois l’Union tout entière pour l’élection présidentielle, le calme s’était fait presque instantanément devant le vote qui était la défaite éclatante de l’administration républicaine. Le président vaincu, M. Harrisson, a bien essayé, à ce qu’il semble, d’employer ce qui lui restait de règne dans l’intérêt de son parti, et on a pu distinguer qu’il aurait voulu signaler sa sortie par quelque acte d’éclat comme l’annexion des îles Hawaï ; mais le scrutin l’avait d’avance frappé d’impuissance. Il n’était plus à la Maison-Blanche qu’un hôte de quelques semaines préparant son déménagement, attendant un successeur victorieux, — et au jour voulu en effet, le 4 mars, le nouveau président, M. Cleveland, a fait son entrée ou sa rentrée sur la scène. Tout s’est passé selon les règles, selon l’étiquette républicaine. Ce n’est pas qu’il n’y ait eu un certain apparat. Washington s’est animé pour ce jour-là et a eu ses cortèges grossis par l’affluence populaire, ses défilés militaires, ses pavoisemens, ses salves d’artillerie. Quant aux deux principaux personnages de la cérémonie, ils ont joué leur rôle