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du gouvernement italien, ni cela, ni autre chose. Disons tout. Léon XIII n’a pas demandé l’abrogation de certaines lois, faussement considérées, d’autre part, comme étant de l’essence même de la république. Il n’a rien demandé, rien. Mais qu’a-t-il donné ? Et ce qu’il donnait à la France, le prenait-il à d’autres ? Quelqu’un a-t-il le droit de s’en plaindre ?

Cette politique pontificale, dont on dénonce avec colère la révoltante partialité, a-t-elle réellement blessé quelque nation catholique ou les catholiques de quelque nation ? N’a-t-elle pas été ce qu’elle devait être, la politique d’un pape ? Avec quelles traditions a-t-elle rompu ? à quelles obligations s’est-elle dérobée ? On serait fort empêché d’en citer une. Le pape a reconnu la légitimité de la république : c’est le fait capital de ses rapports avec la France. Et pour M. Geffcken, pour le diplomate, pour M. Bonghi, pour l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, c’est le crime de Léon XIII.

En prêchant la conciliation, l’union entre tous les Français, Léon XIII a contribué à refaire la France plus forte. En délivrant à la république une sorte de certificat de bonne vie et de bonnes mœurs, il a ouvert la voie au tsar et contribué à doubler encore la force de la France. C’est ce qui trouble l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie : — « Pourquoi le pape veut-il la France plus forte ? L’Allemagne et l’Autriche, inquiètes, disent à l’Italie, qui se le disait déjà à elle-même : — « Parce qu’il veut Rome. » — Mais ce sont l’Italie, l’Autriche et l’Allemagne qui le disent : Léon XIII n’en dit pas un mot.

Et parce que le pape veut voir la France forte, l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie l’accusent d’abandonner et de mépriser les faibles. Est-ce juste ? Est-ce sensé ? N’y a-t-il pas même imprudence à mettre en avant ce grief ? Car enfin, si le pape s’est senti porté de tout son être vers la France, c’est peut-être qu’elle lui est apparue en butte aux desseins équivoques d’une coalition hostile et que le souvenir lui est revenu de toutes les œuvres françaises à travers les siècles. L’affection particulière de Léon XIII pour la France, qui sait si ce n’est pas la haine mal contenue de la triple alliance qui l’a nourrie ? Quoi qu’il en soit, ce qu’il aime dans la république, c’est la France ; ce qu’il aime dans la France contemporaine, c’est l’immortelle histoire et l’impérissable génie de la France.

J’entends l’objection de M. Geffcken, du diplomate et de M. Bonghi : « Vaniteux, qui pensez être aimés pour vous-mêmes, sans qu’on se promette de vous un service en retour ! » Je ne dis pas que Léon XIII ne se promette point de la France un service. Je dis seulement que ce service n’est pas la restauration du pouvoir temporel, que ceux qui le soutiennent ignorent ou teignent