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V

Depuis lors, jamais, ni sous le gouvernement de la défense nationale, ni sous la présidence provisoire de M. Thiers, ni sous sa présidence définitive, ni, après le 24 mai, sous celle du maréchal de Mac-Mahon, ni au 16 mai, ni, à plus forte raison, après que la république fut aux républicains, sous les deux présidences de M. Grévy et la présidence de M. Carnot ; que le ministre des affaires étrangères fût Jules Favre ou M. de Broglie, le duc Decazes ou M. de Rémusat, jamais la France n’a dit un mot qui, même adroitement torturé, pût laisser percer l’intention de rétablir, par les armes, s’il le fallait, le pouvoir temporel aboli.

Un mot, ce seul mot, elle ne l’a jamais dit, ni lors de la nomination d’un ambassadeur français près le saint-siège, ni lors du transfert de la capitale italienne à Rome, ni lors des incidens provoqués, dans le pays, par des pétitions et, dans le parlement, par des interpellations sur la condition faite au pape, ni lors de l’affaire du père Secchi, représentant du saint-siège comme État temporel, dans la commission internationale du mètre, ni lors de la visite des officiers de l’Orénoque au pape et au roi d’Italie, ni lors du rappel de ce vaisseau qui, de 1870 à 1874, avait été tenu dans les eaux de Civita-Vecchia, à la disposition de Pie IX, ni lors de la discussion sur les fondations et propriétés françaises à Rome, ni plus tard, à l’occasion de nouvelles pétitions et de nouvelles interpellations ; ni en 1873, ni en 1876, ni, à plus forte raison, depuis 1877, jamais la France n’a rien dit qui dût éveiller les soupçons et les défiances de l’Italie.

Loin de là ; elle a souvent dit le contraire, elle n’a pas cessé de le dire, par la bouche de tous ses ministres. Jules Favre (16 mars 1871) : — « Ce que l’Italie pourrait craindre à l’heure actuelle, ce serait une agitation encouragée par nous autour du Vatican. Je puis sur ce point donner et je vous prie de transmettre au cabinet de Florence les assurances les plus positives. » — Thiers (22 juillet 1871) : — « Cette Italie, je n’en suis pas l’auteur… Mais enfin, elle existe, elle est faite ; il y a une Italie, il y a un royaume d’Italie qui a pris place parmi les puissances considérables de l’Europe. Que voulez-vous que nous fassions ? Il faut parler net ; il ne faut pas nous imposer une diplomatie qui aboutirait à ce que vous désavoueriez publiquement, c’est-à-dire la guerre. » — Le duc de Broglie (juin ou juillet 1873) se hâtait de faire connaître au gouvernement italien que le maréchal « entendait maintenir inaltérée envers le royaume d’Italie la politique de M. Thiers. » Le duc