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très forte et qui pouvaient, à la faveur d’un trouble de conscience entretenu savamment et politiquement exploité, y rentrer plus nombreux encore, si ce n’est en majorité.

Pour l’Italie, elle achevait de se consoler, en se répétant que, laissée à elle-même, la Bavière n’était, après tout, qu’une puissance de second ordre et que, n’ayant pas les moyens d’agir seule, elle n’en aurait pas non plus la volonté. Je conclus : pour l’occupation de Rome, du côté de la France, objections, résistances, avant que le fait fût accompli ; le fait accompli, indifférence, puis sympathie croissante ; de la part de l’Autriche, encouragement avant ; indifférence après ; du côté de la Prusse et de la Bavière, c’est-à-dire des deux élémens principaux du nouvel empire germanique, double jeu, encouragement avant, indifférence après, réserves, sympathie décroissante[1].

Un mot sur la Russie, puisqu’il n’est pas jusqu’à la Russie schismatique, à qui l’on ne veuille prêter un rôle en cette histoire. La Russie, seule entre toutes les grandes puissances de l’Europe, n’était que peu ou n’était point intéressée dans la question ; elle ne croyait pas avoir à s’en mêler. « Mais une telle conduite de la Russie revenait à être une approbation implicite ; ses réserves étaient différentes de celles de la Prusse, de l’Angleterre et des autres États ; elles ne signifiaient pas qu’elle se déciderait suivant les mouvemens de sa politique intérieure (que n’atteignait pas l’occupation de Rome, par suite du petit nombre de ses sujets catholiques), mais suivant la direction de sa politique extérieure, suivant la conduite des grandes puissances intéressées ; elle faisait, d’ailleurs, trop paraître ses sympathies pour l’occupation de la ville éternelle[2]. »

C’est ainsi que, d’après les auteurs italiens les plus qualifiés, les diverses puissances accueillirent le fait de l’occupation de Rome et de l’abolition du pouvoir temporel des papes. Dans l’atteggiamento, dans l’attitude qu’elles prirent alors, où trouve-t-on le droit d’affirmer que la France, plus ou moins soutenue par la Russie, dût se faire un jour l’agent d’une restauration de ce pouvoir, à laquelle l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, de par cette attitude prise et pour rester conséquentes avec elles-mêmes, devraient naturellement s’opposer ? — Mais depuis lors ?

  1. « Il ne sera pas inutile de rappeler que, de tous les chefs de ministères étrangers, M. de Bismarck est le seul qui fit quelques réserves sur notre entrée à Rome. » — L. Chiala, op. cit., p. 83.
  2. Scaduto, Guarentigie pontificie, p. 75.