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Victor-Emmanuel, M. Lanza, M. Visconti-Venosta, attendaient impatiemment les dépêches de M. Minghetti. Le 18 septembre, l’avant-veille de l’entrée des troupes italiennes à Rome, M. Minghetti prévenait son gouvernement que « les antiques traditions, la piété bien connue de la cour, le lien des relations personnelles, l’influence du clergé, la puissance et la clientèle du parti qui s’intitule catholique, tout devait être mis en œuvre, — et tout le fut, — pour obtenir une aide ou du moins une déclaration de blâme contre les actes du gouvernement italien. » Vainement. « Le gouvernement impérial n’a cédé ni aux prières ni aux excitations. » Bon, si le pape eût voulu traiter avec le roi d’Italie : il eût servi d’intermédiaire. Puisque Pie IX avait refusé de traiter, il n’y avait qu’à l’abandonner à son sort. Toutefois, M. de Beust recommandait à Victor-Emmanuel d’avoir « tous les égards pour la personne et la qualité du pontife. »

Pas plus que la France, l’Autriche ne se préoccupait beaucoup des garanties. Elle prenait acte des déclarations de M. Visconti-Venosta, « mais elle ne se servait pas d’expressions qui fissent comprendre qu’elle s’intéressait vivement à la question[1], » elle s’en remettait à l’Italie du soin de régler convenablement la situation du saint-père. Elle voulait bien, dans le cas où le pape eût quitté Rome, demander pour lui le libre passage à travers les États royaux ; elle lui eût même, au besoin, offert un asile, mais elle ne jugeait pas nécessaire ce départ de Rome, et elle le déconseillait. Du droit public ecclésiastique intérieur du jeune royaume, elle ne se mêlait en quoi que ce fût. D’autres puissances donnaient l’avis de différer le transfert de la capitale ; l’Autriche, non pas.

En somme, l’Autriche « ne manifesta point de sympathies explicites, comme la république française, » mais elle « ne fit pas de réserves. » Elle « laissa faire et laissa sous-entendre qu’elle n’interviendrait en aucune manière. » Cependant les évêques et les cercles catholiques s’efforçaient d’ébranler tout le parti clérical. Les archevêques ou évêques de Vienne, d’Olmütz, de Salzbourg, de Linz, de Bressanone, de Gratz et le primat de Hongrie ordonnaient des prières et des quêtes pour le souverain pontife, rédigeaient des mandemens, faisaient signer des protestations. « Mais cette agitation restait dans les basses couches du peuple ; elle n’arrivait pas jusqu’aux hommes politiques, jusqu’aux chambres. »

Il y a ici une petite erreur. Si, elle arriva jusqu’aux chambres. Le député catholique Greuter interpella M. de Beust : « Où est ma vieille Autriche ? » s’écria-t-il. M. de Beust répondit par le précédent de 1860. En 1860, l’Autriche avait gardé la même attitude

  1. Scaduto, Guarentigie pontificie, p. 60.