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chrétienté, le cabinet présidé par M. Lanza et où M. Visconti-Venosta, homme prudent et correct entre tous, était ministre des affaires étrangères, avait soigneusement reconnu le terrain, qui lui semblait, pour le pas hardi qu’il allait faire, très glissant et très dangereux.

Ce n’est que plus tard que le patriotisme italien a découvert que la question romaine était d’ordre purement intérieur : au moment de la résoudre à son profit et jusqu’à ce qu’un commencement de prescription lui parût acquis, l’Italie, aujourd’hui si fière et, dans sa fierté, si intransigeante, la considérait bel et bien comme une question internationale. » Non-seulement elle ne se fût pas fait prier pour donner aux puissances des gages ou des garanties, mais elle allait au-devant d’une demande, dont elle ne songeait pas, en ce temps-là, à nier la légitimité. Le 7 septembre, treize jours avant que fût ouverte la brèche de la Porta Pia, le gouvernement italien se déclarait a prêt à examiner avec les autres gouvernemens les conditions à déterminer d’un commun accord pour sauvegarder l’indépendance du pape. » Telle était l’attitude de l’Italie sur le bord du fossé romain : quelle était celle des nations intéressées et celle des nations maintenant en cause, de la France, de l’Allemagne et de l’Autriche[1] ?

C’était de la France et de l’Autriche qu’on redoutait le plus de résistance. On ne pouvait se dissimuler, à Florence, qu’on violait outrageusement la convention du 15 septembre 1864, par laquelle Napoléon III s’engageait à retirer de Rome la garnison française, mais par laquelle l’Italie s’engageait en revanche à ne pas aller à Rome. On ne se dissimulait pas qu’il y avait peu de chevalerie à tirer occasion des malheurs de l’empire et des malheurs de la France, à n’armer que pour soi-même, laissant écraser, pollice verso, l’auxiliaire de la veille, à qui l’on ne voulait pas tout devoir, à qui, pourtant, l’on ne pouvait pas ne pas devoir quelque chose. Mais la reconnaissance est une hypertrophie du cœur ; les princes et les peuples qui calculent savent s’en guérir, et il ne s’agit point de chevalerie en politique positive.

Au mois de septembre 1870, l’Italie faisait ou se préparait à faire de la politique positive. Elle voulait Rome de gré ou de force. Seulement, elle prenait ses précautions. C’était bien, en effet, la France qui jusque-là l’avait gênée. Car à peine eut-il apparu comme

  1. Pour ne pas être accusé de choisir nos témoins, nous allons prendre ceux de nos adversaires. Nous nous reporterons pour tout ce qui va suivre au livre du général Cadorna lui-même, la Liberazione di Roma, qui contient, en appendice, les documens diplomatiques sur la question, et au livre de M. Francesco Scaduto, privat-docent de droit ecclésiastique à l’Université royale de Rome : Guarentigie pontificie e Relazioni fra Stato e Chiesa, — Storia, Esposiaione, Critica, Documenti.