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est la nation, les masses ignorantes et simples, la gente ! Léon XIII veut-il réellement dissoudre la triple alliance ? Qu’il abandonne, une bonne fois et dans les formes de droit, le pouvoir temporel. Dès le jour où il s’y résignerait, la triple alliance perdrait toute séduction sur l’esprit des Italiens, et en peu de temps elle « ne ferait plus partie de la diplomatie de leur gouvernement. »

Prenez ce raisonnement pour ce qu’il vaut, mais voyez sur quoi il repose, voyez comment il est construit : restauration du pouvoir temporel, seul but de la politique de Léon XIII ; la France, seul agent possible de cette restauration ; la France, seul objet de la sollicitude du pape ; seul lien entre le saint-siège et la France « voltairienne, » seul service demandé d’une part, seule porte que, de l’autre, on ne ferme pas brusquement aux espérances de la papauté ; le rétablissement du pouvoir temporel. Voilà ce qui jetterait l’Italie dans les bras de l’Allemagne et de l’Autriche, ce qui mettrait le pape aux pieds de la France, ce qui partagerait l’Europe en deux camps ; voilà le nœud de la politique européenne, et celui qui est ici-bas le vicaire du Dieu de paix n’aurait d’autre désir, « dans son sénile regret d’une vieillerie, » que de le voir trancher par ces cinq formidables épées : l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, l’Italie, contre la Russie et la France.


III

Laissons maintenant M. Geffcken, le diplomate et M. Bonghi. Le père Salvatore Brandi, de la compagnie de Jésus, a répondu au diplomate et à M. Geffcken dans la Civiltà Catholica ; quant à M. Bonghi, la Voce della verità lui a consacré trois ou quatre articles ; l’Osservatore romano, dès que l’on eut reçu, au Vatican, la Lettre ouverte à Léon XIII, riposta, sans perdre un courrier, par quatre Lettres ouvertes à l’onorevole Bonghi. J’ose dire que, dans ces diverses réponses et notamment dans celles du père Salvatore Brandi, les allégations des adversaires de la politique pontificale ont été discutées point par point et point par point anéanties. Mais M. Geffcken, le diplomate et M. Bonghi n’en veulent pas démordre[1]. Le pouvoir temporel ! le pouvoir temporel !

C’est donc une chose entendue. De ces trois extraits de triple alliance, c’est cet extrait concentré que nous tirons.

  1. Dans le fascicule de février de la Nuova Antologia, M. de Cesare vient à la rescousse de M. Bonghi : — « Il était fatal que le pape courût vertigineusement vers la France, parce que le siège apostolique, ayant perdu toute espérance de reprendre le pouvoir temporel avec le concours de l’Allemagne et de l’Autriche, se jetait dans les bras de cette seule puissance qui le lui laissait espérer. » (Nuovi Cardinali, Nuova Antologia, février 1893, p. 418.)