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II

Tous ces griefs, que M. H. Geffcken énumère et développe avec quelque âpreté, le diplomate anonyme de la Contemporary Review les reprend à son compte. À moins que ce ne soit M. Geffcken qui les ait repris au diplomate. Ce qui est sûr, c’est qu’ils sont, chez l’un et chez l’autre, formulés à peu près de la même façon. Aussi n’y reviendrons-nous pas. Nous dirons seulement que l’anonyme de la Contemporary Review est plus prolixe encore et plus irrité que l’auteur de Léon XIII devant l’Allemagne. Alais avec lui, il s’agit bien de Léon XIII devant l’Allemagne : il institue pour juger le souverain pontife une sorte d’aréopage européen, composé de la triple alliance et des amis de la triple alliance, devant lequel il traduit ce pape, coupable de trop aimer la France. Dans ce grand procès, l’Autriche-Hongrie fait la plaignante. Cette pauvre Autriche, gémit le diplomate, innocente comme l’agneau de la fable et, comme l’agneau, sacrifiée ! Peu s’en faut qu’il ne rompe franchement en visière à Léon XIII et ne lui jette à la face le vers célèbre de Dante :


In veste di pastor lupi rapaci !


Voilà maintenant les loups qui s’habillent en bergers ! S’il ne le fait pas, c’est qu’il lui revient juste à temps en mémoire que celui qui habite le Vatican est « son supérieur vénérable et bien-aimé ; » mais s’il ne le fait pas, c’est comme s’il l’avait fait.

À l’entendre, l’Autriche-Hongrie est, pour le catholicisme, « un véritable Eldorado. » Voyez la législation austro-hongroise. Où donc l’Église est-elle plus riche ? Cependant, comment Léon XIII se comporte-t-il envers l’Autriche-Hongrie ? Il l’abreuve, à plaisir, « d’accusations et d’insultes. » L’insulte la plus grave « consiste dans les efforts peu raisonnés » que fait le pape pour se débarrasser du comte Revertera, ambassadeur d’Autriche-Hongrie à Rome. Une autre insulte à l’Autriche-Hongrie, c’est l’élévation à la pourpre de Mgr Galimberti, nonce du pape à Vienne, et champion résolu de la triple alliance. En lui donnant le chapeau, Léon XIII n’a pas qu’à se « débarrasser » de celui-là aussi, qu’à briser une carrière diplomatique, dont il apprécie très mal les mérites. Et puis, en troisième lieu, il y a l’affaire du patriciat de Venise. Pourquoi le saint-siège demandait-il au gouvernement autrichien une revendication formelle de son droit de présentation ? Pour le brouiller avec le roi Humbert. Et les cardinaux, l’évêché d’Agram,