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reçu la mission de réfuter ces allégations, ce qu’elle a été dans la réalité des faits. Nous insisterons, nous aussi, puisqu’on y insiste, sur la politique du pape vis-à-vis de la France. Nous rechercherons si vraiment Léon XIII se décide et se dirige par l’obsédant désir du rétablissement du pouvoir temporel ; si ce rétablissement, à supposer qu’on dût l’attendre de quelque puissance terrestre, il pourrait l’attendre de la France ; si l’histoire, si la logique lui permettent de l’espérer. Comme le syllogisme en discussion ne repose que sur cette hypothèse, la base manquant, il s’écroulera. Nous aurons alors à rechercher quels sont les véritables motifs de la politique pontificale ; nous confronterons ses adversaires avec ses partisans ; nous ferons, sur les textes, la critique de leurs assertions et, en ce qui touche spécialement la France, nous apporterons dans le débat, pour la valeur qu’il peut avoir, notre témoignage personnel.


I

M. Geffcken s’occupe de Léon XIII, surtout par rapport à l’Allemagne. Il a contre le pape plusieurs griefs. Le premier remonte à onze ans de distance, à 1882. En 1882, M. H. Geffcken, membre du conseil d’État de l’Alsace-Lorraine, vint à Rome, chargé d’une mission officieuse par le statthalter, le maréchal de Manteuffel. Il devait exposer confidentiellement au cardinal Jacobini, secrétaire d’État de sa sainteté, deux affaires que M. de Manteuffel regardait comme fort importantes, mais qui parurent alors à la cour romaine et qui nous paraissent aujourd’hui d’importance très inégale. M. H. Geffcken représenta au cardinal qu’il a était nécessaire d’élargir les pouvoirs donnés au coadjuteur de l’évêque de Strasbourg, M. Stumpf. » Cela ne fit point de difficultés et ne dura que quelques semaines. Mis en goût par ce prompt succès, M. Geffcken risqua sa seconde requête. « Il faudrait, insinua-t-il, interdire au clergé alsacien de se mêler de l’agitation anti-allemande en Alsace[1]. »

Le cardinal Jacobini fit semblant de ne pas entendre. « Le secrétaire d’État ne voulut pas y mordre. » M. Geffcken revint à l’assaut. Le cardinal « s’excusa en disant que c’était contre les traditions de la Curie d’intervenir dans les affaires intérieures des États. » Notez cette phrase ; c’est autour d’elle que tourne toute la brochure de M. II. Geffcken. Mais, répliqua l’homme de confiance du

  1. H. Geffcken, Léon XIII devant l’Allemagne ; E. Dentu,1892, une brochure in-16, p. 20.