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« Les communautés doivent moins que jamais faire des dépenses inutiles, et celle d’une députation à Paris, pour une affaire aisée à terminer icy, ne peut être approuvée. J’ai l’honneur d’envoyer à M. le comte de Saint-Priest copie de la lettre que j’ay celui de vous écrire, persuadé qu’elle est dans les principes de l’ordre général. J’ay l’honneur d’être, avec les sentimens les plus sincères, messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur. — Signé : le comte de Caraman[1]. »

De son côté, M. d’André, membre de l’assemblée nationale et commissaire du roi en Provence, adressait des représentations analogues à la municipalité : « Il est fâcheux, écrit-il le même jour, que de petites divisions, qu’il aurait été peut-être facile d’étouffer dès leur origine, rompent la bonne harmonie qui doit régner entre les troupes réglées et la bourgeoisie, car enfin, officier, soldat, garde national, bourgeois, ne sommes-nous pas tous citoïens de la même patrie, sujets du même roi, soumis à la même loi ? .. Il me semble que la division qui paraît régner entre les militaires et les bourgeois roule sur de bien petits objets. Pourquoi donc faire retentir l’auguste assemblée nationale du bruit de nos divisions intestines ? .. Pourquoi causer à la communauté déjà obérée la dépense d’une députation nombreuse et précipitée[2] ? .. » Malheureusement, au moment même où la municipalité recevait la réprimande de M. de Caraman, ainsi que les sages et patriotiques observations de M. d’André, le différend de M. de Rions avec la garde nationale prenait un caractère encore plus grave.


IV

Une propagande très active était faite parmi les ouvriers de l’arsenal, en vue de leur enrôlement dans la garde nationale. Les autorités militaires ne tardèrent pas à s’en émouvoir. Elles reprochaient, non sans raison, à la fréquentation des miliciens d’être funeste à tout sentiment de discipline et de transformer rapidement un ouvrier laborieux en tribun d’atelier. Dénoncés au gouverneur de Provence, ces enrôlemens avaient été interdits par lui de la façon la plus formelle[3] :

  1. Archives municipales de Toulon. Lettre du comte de Caraman, de Marseille, le 21 novembre 1789,
  2. Archives municipales de Toulon, lettre de M. d’André, du 21 novembre 1789.
  3. . « J’apprends que l’on a engagé lus ouvriers de l’arsenal à prendre des cocardes pour s’associer aux compagnies de milice nationale. Je vous prie de ne pas perdre un moment pour faire cesser cette effervescence… Cet enrôlement forcé ou excité des ouvriers de l’arsenal passerait pour une sédition décidée, qui obligerait de déployer toutes les forces nécessaires pour arrêter le désordre… » (Archives municipales de Toulon. — Lettre du comte de Caraman du 23 novembre 1789, aux maire et consuls de Toulon.)