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avec faveur, et quant aux libéraux, ils ont parfaitement compris que cette malheureuse campagne était le fait exclusif de Napoléon III et non de la nation française. Nos soldats et nos officiers se sont toujours parfaitement conduits vis-à-vis de la population : ils étaient accueillis dans les familles avec sympathie, avec trop de faveur même, disent les moralistes rigoureux. Jamais ils n’ont été l’objet des guets-apens qui avaient été si nombreux contre les traînards et les isolés des troupes américaines en 1847.

Depuis l’avènement de Porfirio Diaz une nouvelle direction a été donnée à l’enseignement : une direction américaine, peut-on dire. L’anglais a été substitué au français dans les lycées, et ce que nous appelons l’enseignement secondaire spécial a remplacé en grande partie l’enseignement classique. À côté des écoles de droit, on a partout créé des écoles d’ingénieurs. Ces réformes répondent à des besoins économiques réels ; mais elles ne suffisent pas à changer le caractère de la nation. La médecine, l’économie politique, la science juridique, l’apologétique chrétienne, la philosophie, sont toujours étudiées dans les ouvrages français. Un certain nombre de jeunes Mexicains, et ce sont les plus distingués, continuent, malgré l’attraction américaine, à venir faire leurs études dans nos hautes écoles, à l’Institut agronomique, à l’École centrale, à l’École des sciences politiques, à la Faculté de médecine.

Les riches familles mexicaines, qui aiment à passer l’hiver hors de leur pays, sont toujours attirées par Paris plutôt que par Londres ou par New-York.

D’autre part, nous avons au Mexique une immigration commerciale fort intéressante et qui pourrait être utilement soutenue par des relations de banque. Quelqu’une de nos grandes sociétés de crédit ferait, croyons-nous, une œuvre patriotique en même temps qu’une affaire lucrative, en fondant à Mexico une agence semblable à celles qui ont été créées par le Comptoir d’escompte et le Crédit lyonnais dans le Levant, en Russie, dans l’extrême Orient.

C’est par l’entretien des relations intellectuelles et scientifiques, par le développement des rapports commerciaux et par une politique économique à vues d’avenir, que la France peut aider les nationalités latines du Nouveau-Monde à se défendre, et conserver elle-même un rayonnement pour ses idées et une force d’expansion pour ses capitaux.


CLAUDIO JANNET.