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multipliés. Comme en France, en Italie, en Espagne, l’ambition des familles est de donner à leurs fils une culture littéraire qui leur permette d’être avocats ou fonctionnaires. Les sociétés académiques de province qui, en 1890, étaient au nombre de soixante-dix, entretiennent encore cette disposition des esprits.

Il suffit de quelques jours passés dans les villes et les bourgades pour voir que les mœurs mexicaines sont bien plus semblables à celles du midi de l’Europe qu’à celles des États-Unis. La vie en plein air avec ses plaisirs populaires, courses de taureaux, jeux publics, loteries, foires, s’y épanouit au soleil. Le dimanche est un jour commun de fête qui, malheureusement, finit trop souvent au cabaret et qui fait regretter à l’économiste le sévère lord’s day américain avec sa rigoureuse fermeture des bar-rooms. L’accueil du Mexicain est courtois ; les solennelles formules de politesse sont toujours en honneur ; aussi le point d’honneur y est-il fort développé, et dans les classes illustradas, comme on dit, le duel sévit presque autant que jadis chez les créoles de la Louisiane. Il tient dans les polémiques de presse et dans la politique la même place qu’en France. Ce qui est tout à fait caractéristique, c’est que ces mœurs se retrouvent avec les modifications qu’on peut concevoir jusque dans les classes inférieures. C’est à cause de ce caractère latin que les populations indigènes se sont si bien fondues avec les conquérans espagnols, tandis que partout où elles rencontrent les Anglo-Saxons, elles disparaissent. On le voit bien en ce moment dans le New-Mexico, où de très intéressantes communautés villageoises indiennes, connues sous le nom de Pueblos, et qui, sous la domination mexicaine, étaient parvenues à un état économique avancé, tombent en décadence au contact des Américains.

La France et l’Espagne se sont partagé jusqu’à ces dernières années la direction morale et intellectuelle du Mexique. L’influence espagnole s’est surtout fait sentir par une immigration de gens entreprenans et de capitalistes qui se fondent très rapidement dans la population ; mais les mauvais souvenirs de l’époque coloniale font que l’Espagne reste détestée. La France, au contraire, a été pendant longtemps fort sympathique ; les études classiques se faisaient, il y a dix ans encore, exclusivement en français. Tous les hommes au-dessus de quarante ans qui ont reçu quelque éducation parlent couramment notre langue, bien qu’ils ne soient jamais sortis de leur pays. Actuellement encore il se vend plus de livres français que d’ouvrages espagnols dans les librairies de Mexico. On aime à constater que ce sentiment a survécu à l’intervention de 1863. Une partie considérable du peuple mexicain l’accueillait