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s’annexer le Mexique. Ils réuniraient très volontiers sous le drapeau étoile les huit provinces du Canada, parce qu’elles sont peuplées d’hommes ayant la même civilisation et que l’anglais y est, sauf dans la province de Québec, la langue universelle. Quant au Mexique, ils se garderaient bien d’introduire dans le sein de l’union vingt-sept États dont la population est en majorité indienne ou métisse et parlera toujours l’espagnol. Ce serait livrer la balance du pouvoir entre les deux grands partis à un élément étranger. Ni républicains ni démocrates ne le voudraient. C’est ce sentiment qui fait obstacle à l’annexion de Cuba, malgré les convoitises que sa possession excite chez tout bon Yankee. La présence d’une population d’origine mexicaine assez considérable dans le New-Mexico a jusqu’ici empêché de le faire passer du rang de territoire à celui d’État, quoique le nombre de ses habitans soit supérieur à celui des quatre nouveaux États érigés dans l’Ouest sous la présidence de M. Harrisson.

Ce que les États-Unis veulent, c’est faire du Mexique un pays de protectorat, une dépendance économique. Une annexion partielle ne deviendrait menaçante que dans le cas où l’on découvrirait de riches gisemens aurifères dans les États du nord, dans la Sonora ou la Vieille-Californie. La population mexicaine est très peu dense dans ces États. Les aventuriers yankees s’y précipiteraient avec la furie que les mines d’or excitent. Ils organiseraient immédiatement un gouvernement rudimentaire sur le type américain, ils ne voudraient plus obéir aux autorités mexicaines et se déclareraient indépendans jusqu’au jour où le gouvernement de Washington aurait la main forcée et les prendrait sous sa protection.

Les autorités de l’Union avaient beau vouloir protéger les pauvres tribus auxquelles des traités solennels avaient assuré la paisible possession du Territoire indien. Quand quelques milliers de settlers à la recherche de terres fertiles ont envahi, il y a quatre ans, le district d’Oklahama et y ont établi un gouvernement, elles ont reconnu le lait accompli sans se soucier du droit, et aujourd’hui l’Oklahama est un territoire régulièrement organisé. C’est ce qui s’était passé au Texas en 1835 et amena la guerre de 1846 1848 et le démembrement du territoire de la république. Le gouvernement mexicain se préoccupe de cette éventualité, et, quoique fort libéral vis-à-vis des étrangers, il leur défend d’acquérir des terres dans un rayon de cinq lieues des côtes et de vingt lieues de la frontière de terre. En réalité, cette mesure vise exclusivement les Américains ; mais elle est bien insuffisante ; car, d’une part, beaucoup d’entreprises industrielles américaines