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l’éclairage électrique, les téléphones. Ils vont bientôt créer des hôtels fort nécessaires ; car le contraste avec les Pullman cars rend encore plus pénibles au voyageur qui en descend la saleté et la cherté des auberges indigènes. Les Américains ont installé le long des voies ferrées la grande entreprise télégraphique appelée Western union, qui fonctionne parallèlement avec le télégraphe fédéral. La Wells Fargo and C°, qui transporte d’un point à l’autre du monde en les assurant les objets de toute dimension, depuis un mouchoir de batiste jusqu’à une statue de marbre, a un bureau ouvert dans toutes les gares du pays, même au milieu des déserts les plus sauvages. Les grandes compagnies américaines d’assurances sur la vie, l’Equitable, la New-York, la Mutual, commencent à faire assez d’opérations à Mexico et dans les grandes villes[1].

Comme les directeurs et les employés supérieurs de toutes ces entreprises sont des Américains et que la civilisation matérielle si longtemps attendue arrive par eux, tout se tourne de leur côté. Les boutiquiers s’efforcent de parler anglais ; les élégans de Mexico singent les manières yankees et boivent du wisky dans les bar-rooms américains établis partout dans la ville. Dans la société, les femmes abandonnent le costume castillan pour les modes européennes, et quelques jeunes filles, plus hardies que leurs compagnes, se hasardent à sortir seules dans les rues. La municipalité, il y a deux ans, a supprimé tous les anciens noms des rues pour les remplacer par un système de rues et d’avenues numérotées à l’imitation de New-York, qui déroute singulièrement les habitans ; la plupart en effet ne sont pas en état de lire des numéros à trois chiffres. Les jeunes gens des familles riches vont de plus en plus faire leurs études dans les collèges et les écoles des États-Unis ; car la connaissance de l’anglais devient véritablement nécessaire. Des excursions à l’exposition de Chicago ont été organisées pour un prix très bas et un système de versemens mensuels, commencé il y a deux ans, va permettre aux modestes bourgeois des villes les plus reculées de recevoir au moins cette impression de force qui se dégage par-dessus tout de la civilisation des États-Unis.

Les vieux patriotes déplorent cette transformation des mœurs. Elle est cependant toute superficielle. Mexico peut bien, dans ses quartiers élégans, prendre l’aspect d’une capitale du midi de l’Europe ; les villes de l’intérieur conservent leur physionomie :

  1. Deux compagnies mexicaines d’assurances sur la vie se sont fondées récemment. La loi fédérale de décembre 1892, qui établit divers impôts sur les opérations d’assurance, les porte au double pour les compagnies étrangères.