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Charles IV et Ferdinand VII, la monarchie s’effondra, un mouvement insurrectionnel conduit par Hidalgo, le vieux curé de Dolorès, éclata avec le but avoué de donner l’indépendance au pays. Après quatorze ans de luttes, Iturbide, abandonnant la cause espagnole, assura son triomphe. L’incapable Ferdinand VII ne consentit pas à ce qu’un infant d’Espagne occupât le trône que le Mexique lui offrait. Le pays resta désorganisé et profondément divisé. Iturbide ne sut ou ne put jouer le rôle de Washington. Il prit Napoléon pour modèle, fut détrôné au bout d’un an et fusillé peu après. En 1825, toutes les personnes nées en Espagne furent expulsées, et ce fut dès lors une suite ininterrompue de pronunciamientos et de dictatures militaires. Au milieu de ces convulsions, en 1847, une petite armée américaine conduite par le général Scott pénétra jusqu’aux portes de Mexico par une marche aussi belle que la retraite des dix-mille. Malgré quelques traits de bravoure héroïque de la part des Mexicains, elle imposa au président Santa-Anna le traité de Guadalupe-Hidalgo (2 février 1848) par lequel le Texas, l’Arizona, le territoire indien actuel, le Nouveau-Mexique, l’Utah, le Nevada, la Nouvelle-Californie, c’est-à-dire près de la moitié de la République, furent annexés aux États-Unis moyennant quelques millions payés comme par dérision à ce malheureux gouvernement. Le patriotisme mexicain n’a pu encore se résigner à ce démembrement.

Dix ans après, la question religieuse vint se mêler aux discordes civiles et les envenimer encore. Dès le temps des Espagnols, le clergé s’était graduellement relâché. Les idées joséphistes et jansénistes l’avaient pénétré, et un de nos étonnemens a été de trouver dans la bibliothèque de Mexico, qui a été formée par les fonds des anciens couvens, plusieurs collections des Nouvelles ecclésiastiques, le fameux journal des jansénistes français. Il n’existait cependant point de conflit avec Rome ; car les souverains pontifes, au moment de la découverte du Nouveau-Monde, avaient accordé aux rois d’Espagne un droit de patronat qui leur donnait sur le temporel et presque sur le spirituel des droits auprès desquels les revendications gallicanes n’étaient rien. Le résultat n’en avait pas moins été déplorable pour les mœurs et l’instruction du clergé. Ses grandes richesses, le rapprochement, trop intime peut-être, qui s’établissait entre les frailes et les populations rurales, lui donnaient une influence considérable ; mais il avait perdu beaucoup de son empire sur les âmes dans les classes instruites. Sous l’influence des idées européennes, les frailes, c’est-à-dire les dominicains, les carmes, les franciscains, s’étaient vu retirer les cures dont ils étaient chargés et les antiques missions avaient été sécularisées dès 1794. Bien