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LA
CRISE HAVAIENNE

L’instinctive prévoyance qui pousse les grandes puissances maritimes à prendre position, et, devançant les événemens, à procéder au partage de l’Afrique, les attire aussi à l’autre extrémité du monde, dans l’Océan-Pacifique. Là, ce n’est plus un continent à répartir qui éveille leurs convoitises ; ce continent est pris, l’Angleterre le détient ; s’il lui échappe, ce sera pour affirmer son indépendance, pour revendiquer son incontestable prépondérance dans l’Océanie du Sud, pour y devenir un vaste et puissant empire. Mais, en dehors de l’Australie, que d’îles verdoyantes et fertiles, que d’archipels aux richesses connues ou entrevues, dont la population s’éteint au contact de notre civilisation et que surveillent l’Angleterre et la France, l’Allemagne, l’Espagne et la Hollande !

Elles ont pris pied, et, solidement assises, attendent l’heure, moins soucieuses, quelques-unes, de s’emparer de ces terres nouvelles que d’empêcher leurs rivales de les occuper. Phase d’attente et de transition qui ne saurait longtemps durer, qu’une mainmise par l’une d’elles convertira en une ère d’annexion, de partages à l’amiable ou en luttes ouvertes. Déjà, en tous sens, s’exercent les influences avouées ou occultes, préliminaires obligés ; les escales navales se multiplient, chaque nation tenant à familiariser les indigènes avec la vue de son pavillon, à les impressionner par le déploiement de ses forces, à les amener, par ses missionnaires et ses trafiquans, par la persuasion morale ou