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vous l’avoir communiqué. » — Relevons au passage ce précieux indice du déclin de l’influence de Danton au comité de Salut public vers cette époque, c’est-à-dire, deux ou trois semaines à peine après les journées si critiques pour lui et pour sa politique du 31 mai et du 2 juin : d’ailleurs ce reste d’influence devait durer à peine jusqu’au 10 juillet, car, à cette date, il n’y fut même pas réélu. Nous constatons, du reste, par ce même document, que Beaumarchais le prend sur un ton aussi libre avec les puissances de la Révolution qu’avec celles de l’ancien régime : c’est à Danton lui-même qu’il écrit : « Citoyen, toujours vif quand vous discutez ! mais dont la réputation de franchise et de loyauté n’est ici méconnue de personne, ce n’est pas que je craigne qu’on mette ces choses en oubli, mais j’ai la triste expérience que les affaires journalières s’accumulent à tel point au comité, que tout ce qui n’est pas là pour vous presser en personne court risque très souvent de rester en souffrance. » — Il concluait en ces termes : — « Vous avez enflammé mon zèle en me disant obligeamment qu’on savait bien que rien ne me résiste. Soyez certain, Danton, que si le Conseil tient ses paroles pour les fonds que Perregaux doit être chargé pour lui d’assurer en Hollande ou chez Hoppe, ou chez Muilmann, je ferai rentrer les fusils au pouvoir de la république. Je vous salue et vous honore ! » — Dès le lendemain (28 juin 1793), les derniers obstacles étaient levés, et Beaumarchais, dûment commissionné par le comité de Salut public, quittait Paris, le 28 juin 1793. Il était temps : la Terreur commençait, et voilà sans doute pourquoi et comment elle ne fit pas une illustre victime de plus.

Le comité de Salut public avait d’ailleurs assuré Beaumarchais que, « pendant son absence, ses possessions et sa famille seraient spécialement tenues sous la sauvegarde et protection de la république, dans la personne du comité de Salut public. Le bon billet qu’il avait là ! Si le comité restait, ses têtes allaient changer, tomber même, Bellua mullorum es capitum ! Beaumarchais vit tourner de nouveau « la lanterne magique à personnages, » dont la rapidité l’effrayait déjà, lors des Six époques, et, dans ce perpétuel changement des commissaires, notre commissionné du comité, ne sachant plus à qui il avait affaire, prend le parti de débuter ainsi, dans ses lettres et mémoires : « Citoyens dont le comité est composé présentement. » Cependant, grâce à l’insubordination respective des pouvoirs, et notamment aux conflits sans cesse renaissans entre le comité de Salut public et celui de Sûreté générale, son soi-disant subordonné, Beaumarchais, émissaire de l’un, est porté par l’autre sur la liste des émigrés ; sa femme, sa