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LA


JEANNE D’ARC


DE


THOMAS DE QUINCEY


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Certaines figures, par le charme irrésistible de leurs traits, certains héros, par le prestige de leurs actes, appartiennent à l’humanité tout entière autant qu’à une nation en particulier. Telle est notre glorieuse Jeanne d’Arc, dont la carrière, dans l’histoire de l’humanité chrétienne, est la manifestation la plus éclatante de la valeur et de la vertu féminines. Elle a le droit d’être comptée, à ce titre, parmi les êtres exceptionnels, issus de diverses races, que leur vaillance, leur dévoûment et la sublimité de leur trépas eussent fait, aux anciens jours, placer au rang des dieux. Tous les hommes, sans distinction d’origine, honorent donc, aujourd’hui, justement sa mémoire. Mais il est cependant une nation, chez qui ce sentiment d’admiration pour une des gloires de l’humanité doit être combattu par un douloureux remords : c’est la nation anglaise, à laquelle, — si les choses de la terre pouvaient être comparées aux choses divines, — le bûcher de Jeanne d’Arc sera toujours reproché comme, à la nation juive, la croix de Jésus. Seulement, les Juifs n’ont jamais regretté le calvaire ; tandis que les