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censé avoir par lui-même une vertu magique. On a taillé des bas-reliefs dans le tuf calcaire ; mais ceux des stèles sont la barbarie même, et le groupe de la Porte aux lions, d’une facture bien autrement libre et ferme, reste unique en son genre. C’est en travaillant par les procédés de l’intaille le jaspe et la cornaline, c’est en ciselant l’ivoire, c’est en repoussant le métal que l’artiste mycénien a le mieux montré ce qu’il avait déjà sinon de science, tout au moins d’aptitude naturelle à saisir la beauté de la forme et le caractère expressif du mouvement.

Pour traduire leurs idées et parer les objets à leur usage, les hommes de ce temps ne se sont pas moins servis du pinceau que du ciseau ; ils ont couvert de peintures les murs de leurs maisons et ces vases d’argile qui les suivaient dans la tombe. Jamais aucune fouille n’a fait retrouver le moindre vestige des fresques que les peintres les plus célèbres de la Grèce ont exécutées sur les parois des édifices d’Athènes, de Delphes et d’Olympie ; ici, contre toute attente, ces enduits colorés se sont conservés, en partie tout au moins, ensevelis qu’ils étaient sous une couche de décombres qui n’a jamais été remuée depuis que furent renversés les palais des Atrides. Il est tel éclat de crépi d’après lequel on peut deviner le sujet des tableaux sur lesquels se sont promenés les regards de ces rois. Quant aux vases, sur le site des établissemens primitifs comme parmi les ruines des cités moins anciennes, ils ont survécu, parfois presque intacts dans la tombe, ailleurs réduits en des milliers de tessons, que le passant a longtemps foulés d’un pied indifférent, mais que maintenant la curiosité des érudits recueille avec une application minutieuse. Or ces vases, à Tirynthe et à Mycènes, offrent un tout autre aspect qu’à Troie. Ils ont reçu une glaçure au sable ; dans les plus anciens, celle-ci garde une teinte mate et terne ; mais, dans d’autres, cette glaçure a pris un ton brillant que désormais le potier grec lui conservera toujours. Sur ce fond, la brosse du peintre céramiste a dessiné des motifs variés, dont les uns appartiennent au système du décor géométrique, tandis que d’autres sont empruntés au règne végétal et au règne animal ; il est quelques fragmens où l’on voit apparaître déjà la figure de l’homme.

Si cette figure n’a laissé sur les vases que des traces très faibles et très rares, elle tient au contraire une grande place dans de très curieux monumens que Schliemann n’a point connus, quoique ce soit lui qui les ait découverts ; nous voulons parler de ces poignards de bronze dont la lame est ornée d’images polychromes que forment des lamelles très minces d’or, d’argent, d’étain et d’émail, incrustées dans l’airain. C’est par les soins de M.