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grâce aussi à la terre et aux pierrailles que l’on avait répandues, comme une sorte de bourre compacte, autour de la coque du dôme, tel de ces édifices était encore, vers le commencement de ce siècle, presque intact, et, aujourd’hui même, le voyageur qui en franchit le seuil ne voit pas sans émotion s’arrondir au-dessus de sa tête et se perdre dans l’ombre le berceau de la coupole sous laquelle les chefs achéens de Mycènes ont dû se réunir pour célébrer les funérailles et pour honorer la mémoire de leurs princes, des rois fils de Pélops. Dans deux de ces édifices, dont l’un est à Mycènes et l’autre à Orchomène, auprès de la salle ronde qui servait de chapelle, il y avait un caveau où dormait le mort, caveau dont la décoration n’était pas moins soignée que celle des autres parties du bâtiment. La chapelle et le caveau subsistent ; ce qui a presque complètement disparu, c’est la façade, qui était faite d’un placage exécuté en roches multicolores ; des crampons d’airain rattachaient à la muraille les dalles et les bandes qui le composaient. Lorsqu’on essaie de restituer cette devanture, à l’aide des traces qu’elle a laissées sur la paroi et des fragmens qui en restent, épars dans les musées de l’Europe, on devine que le bronze y mêlait ses luisans aux teintes vertes et rouges des brèches et des porphyres où le ciseau a prodigué les chevrons, les rinceaux et les palmettes : peut-être aussi la peinture y avait-elle été chargée d’orner certaines surfaces lisses. À droite et à gauche de la porte, qu’encadre une double moulure, se dressaient deux hautes colonnes, qui offrent déjà, surtout dans leur chapiteau, quelques-uns des élémens de l’ordre dorique. L’ensemble différait très sensiblement des types auxquels nos yeux ont été habitués par ceux de l’architecture classique ; mais il n’en devait pas moins avoir un beau caractère et offrir un aspect très imposant.

L’architecture est celui de tous les arts que cette civilisation paraît avoir poussé le plus loin ; mais pourtant le sculpteur mycénéen, lui aussi, a produit des ouvrages dans les meilleurs desquels s’annoncent déjà les qualités par lesquelles se distinguera la statuaire grecque. Toutes les matières que ses successeurs mettront en œuvre, il les a travaillées ; c’est le bois, c’est la terre, c’est le métal et l’ivoire, c’est la roche tendre sur laquelle mord le ciseau, c’est la pierre dure qui ne se laisse entamer que par le touret ou par une pointe couverte de poudre d’émeri. De la sculpture sur bois, tout a péri ; seul le sable tiède et sec de l’Egypte a su conserver le bois. La terre cuite ne semble guère avoir été employée qu’à la fabrication des idoles. Le sentiment religieux ne demande point aux simulacres qui lui sont chers d’être beaux ; il lui suffit que ces images ne s’écartent point du type traditionnel, qui est