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fut guère qu’un village, c’est dans la Grèce d’Europe et surtout en Argolide qu’il convient d’étudier la seconde période de la civilisation préhomérique ; c’est à Tirynthe et à Mycènes, où des monumens nombreux et variés permettent de suivre le développement des industries que nous avons vues naître en Troade.

Lorsqu’on s’en tient aux résultats généraux, on ne saurait distinguer entre l’apport de ces deux villes, Tirynthe et Mycènes. Les mythes argiens attribuaient à Tirynthe une antiquité plus haute encore qu’à Mycènes, et les monumens ne les démentent point. Le rempart de Tirynthe est bâti en blocs plus énormes que celui de Mycènes et qui portent moins la marque du travail de l’outil ; mais c’est là toute la différence ; les ouvriers appliquaient dans les deux villes voisines les mêmes procédés. Tirynthe a moins donné de bijoux et de vases, parce que l’on n’y a pas ouvert de tombes ; mais c’est là que l’on étudie le mieux un des types les plus originaux qu’ait créés l’art mycénien, celui du palais.

Du rempart des deux citadelles royales, peu de chose à dire, sinon que les matériaux y sont d’un bien plus fort échantillon qu’à Troie et que, par suite, l’appareil y a plus grand air. Il n’y a pas ici de talus ; le mur, grâce aux dimensions des pierres qui le composent, offre de hautes faces verticales et semble destiné à une éternelle durée. Ses pans droits et la fermeté de ses lignes font sur l’esprit du voyageur une toute autre impression que la masse mousse et confuse de l’enceinte de Troie. C’est, à cela près, le même mode de construction. Lorsque entre les pierres il y a une liaison, celle-ci n’est que de la terre argileuse qui a été gâchée avec de l’eau. Du rempart, il ne reste que le corps, bâti en blocs de tuf ; mais la brique crue et les galeries de bois devaient en former, ici aussi, le couronnement. On retrouve les carreaux d’argile séchés au soleil dans les murailles du palais, et des poutres transversales y ont laissé leur empreinte et leurs cendres. Ces chaînages de poutres étaient si bien dans les habitudes du maçon, que celui-ci les a employés, à Mycènes, dans un mur tout en moellons. L’art de la fortification a d’ailleurs fait certains progrès. Le principe du flanquement paraît, il est vrai, avoir été moins bien compris à Tirynthe et à Mycènes qu’à Troie, où, sur tout le front méridional, il y a des tours séparées par des intervalles égaux. Dans les citadelles de l’Argolide, les saillans sont en très petit nombre et très irrégulièrement distribués. En revanche, on voit déjà adoptée ici une disposition que les ingénieurs grecs garderont toujours dans leurs tracés : les portes sont agencées de telle sorte que l’ennemi qui s’avance pour les forcer soit contraint de présenter aux défenseurs du rempart son flanc droit, celui que