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beaux restes de son ancienne décoration. La coupole de la grande salle s’est écroulée ; mais les portes sont encore debout, et, tout autour, la pierre était cachée sous un revêtement de métal. Dans le caveau où reposait le mort, sur les dalles de schiste verdâtre qui en formaient le plafond, un habile ciseau avait imité le dessin d’un somptueux tapis, où des bordures de rosaces enveloppaient un motif d’une rare élégance, des fleurs au long pistil semées parmi les enroulemens de ces spirales compliquées qui sont chères à l’art mycénien. Avec ses couleurs brillantes et variées, le tissu qui a servi là de modèle à l’ornemaniste devait être un de ces objets de prix dont regorgeaient les demeures des habitans d’Orchomène.

L’épopée nous montre, établi dans « la creuse Lacédémone, » un autre prince du sang des Pélopides, Ménélas ; or plusieurs tombes à coupole, semblables à celles de l’Argolide et de la Béotie, ont été reconnues dans les vallées du Taygète et dans la plaine de Sparte. L’une d’elles, celle de Vafio, tout près de ces vieilles villes achéennes, Pharis et Amyclées, où devait résider Ménélas, vient de livrer ces admirables gobelets d’or où la sculpture mycénienne semble avoir dit son dernier mot. Ces mêmes sépultures se rencontrent, avec leur mobilier ordinaire, en Thessalie, autour de ces golfes Pagasétique et Maliaque, d’où partaient en course les navires des Minyens et que bordait le royaume d’Achille. On en a exhumé aussi plusieurs, des plus intéressantes et des mieux garnies, dans l’Attique, où la tradition nous montre, fixés dès les temps les plus anciens, les Pélasges et les Ioniens. Au sixième chant de l’Iliade, Pallas quitte les champs de bataille troyens pour la « forte maison d’Érechthée, » ce roi pieux que mettaient en relation avec la déesse des mythes dont les poètes et les artistes ont tiré, plus tard, la matière de plus d’un drame et de plus d’un tableau ; or on a retrouvé, dans l’acropole d’Athènes, les fondations d’un édifice, qui, placé sur le point le plus élevé du roc, paraît avoir été le château des premiers souverains de l’Attique.

Si ces forteresses, Mycènes, Tirynthe, Orchomène, avaient été les repaires de conquérans étrangers, si les aèdes n’avaient pas été fondés, par une tradition ininterrompue, à honorer, dans ces « fils des Achéens » dont ils célébraient la prouesse, les héros glorieux de leur peuple, l’épopée grecque, où l’on sent partout palpiter l’orgueil de la race, aurait-elle mené si grand bruit autour des aventures des passagers du navire Argo et des vainqueurs de Troie ? Si les auditeurs de ces poètes n’étaient jamais fatigués d’écouter ces récits, n’est-ce pas qu’ils avaient conscience du lien qui rattachait le présent à ce passé qui, dans un temps où