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assortimens les plus variés des objets qui ont révélé une industrie et un style jusqu’alors inconnus. Sur le point de la côte nord-ouest de l’Asie-Mineure auquel se rapportent le mieux les indications topographiques contenues dans l’Iliade, on a déterré, enfouis sous les ruines d’une ville gréco-romaine, les murs épais d’une bourgade fortifiée, les fondemens de ses maisons, les outils et les armes de ses habitans. Cette bourgade, malgré la petitesse de son enceinte, a dû avoir, aussitôt bâtie, une grande importance, en vertu de la position qu’elle occupait au-dessus d’une plaine fertile et à l’entrée de l’Hellespont. On y devine le siège d’un marché très fréquenté, le chef-lieu d’une tribu enrichie à la fois par l’agriculture, par le commerce et par la piraterie, la citadelle où résidaient ses chefs héréditaires, où ils mettaient leur butin en sûreté, où ils défiaient l’ennemi dont ils avaient provoqué les représailles. Il y a toute raison d’y reconnaître la Troie d’Homère.

D’après Homère, le commandant suprême de l’armée qui a pris Troie, c’est Agamemnon, souverain de Mycènes, chef d’une famille puissante, les Pélopides, qui, avec Ménélas, règne aussi sur la Laconie. Or c’est la capitale d’Agamemnon, Mycènes et sa proche voisine Tirynthe, qui possèdent les plus grandioses de ces édifices que les Grecs disaient avoir été élevés par les Cyclopes, ces maçons légendaires. C’est là aussi qu’ont été retrouvés, en plus grand nombre que partout ailleurs, ces produits des différentes industries locales à propos desquelles ont été créés les termes de civilisation mycénienne et d’art mycénien. L’archéologie est donc d’accord avec le mythe ; cette prééminence que l’épopée assigne à Mycènes, la science la lui a accordée dans sa nomenclature. Homère appelle Mycènes la ville « où l’or abonde, » la πολύχρυσος Μυϰήνη (poluchrusos Mukênê). D’autres terrains ont donné des objets formés de ce métal ; mais celui-ci s’est rencontré à Mycènes en bien plus grande quantité que nulle part ailleurs ; on peut dire sans exagération que là les ouvriers de Schliemann l’ont remué à la pelle.

Il est une autre ville dont l’opulence n’avait pas laissé des souvenirs moins persistans, Orchomène. Répondant aux ambassadeurs des Grecs, Achille s’écrie qu’il ne renoncerait pas à sa vengeance, quand même Agamemnon « lui donnerait tous les trésors d’Orchomène et de la Thèbes d’Egypte, ces villes où il y a beaucoup de richesses dans les maisons. » L’or, à Orchomène, n’a pas encore jeté d’éclairs sous le fer de la bêche ; mais, à lui seul, le tombeau que Pausanias proclame aussi digne d’admiration que les pyramides d’Egypte justifie les hyperboles de l’épopée. Les dimensions en sont presque les mêmes que celles du plus grand des dômes de Mycènes, et, tout ruiné qu’il est, il a conservé de très