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celles-ci plusieurs de ses proches, ainsi que sa nourrice, dont le tombeau est l’objet d’une grande vénération.

Selon certains archéologues, ainsi que d’après ce que disent quelques mollahs plus instruits que les autres, le saint patron du lieu ne serait autre que Kassim, fils d’Abbas, cousin de Mahomet, qui serait venu en Bactriane dès les premières années de l’hégire pour prêcher l’islamisme aux sectateurs de Zoroastre, avant la conquête arabe. Décapité par les Guèbres, il se serait, après son supplice, réfugié au fond de ce puits où il attendrait la guerre sainte qui doit donner à l’Islam l’empire du monde.

Baber, dans ses mémoires, désigne simplement le Chah-Zindeh sous le nom de Mazar-t-Chah (tombeau du roi), sans donner d’autres détails sur son origine ni sur l’histoire de son fondateur.


VI. — LE TOMBEAU DE DANIEL. — AFROUSIAB. — LES MOSQUÉES SECONDAIRES DE SAMARKANDE.

À quatre kilomètres au nord-est de Samarkande, en dehors des limites extrêmes de l’ancienne enceinte, se trouve un autre tombeau affecté à un personnage moins spécial à la Tartarie que ceux dont il a été question jusqu’ici : on le nomme Khodja-Daniar, et, s’il faut en croire les légendes musulmanes, il n’est autre que le prophète Daniel de la Bible. Ce tombeau est situé à l’endroit appelé Afrousiab, c’est-à-dire au lieu même où sont, très probablement, les restes de l’ancienne ville de Maracanda, citée par les historiens grecs. Il est séparé de Samarkande par une colline dénudée qui s’étend derrière le Chah-Zindeh et dont le sol, formé de lœss, n’est qu’un vaste cimetière. Le sépulcre de Khodja-Daniar est placé sur une sorte de terrasse ou de corniche à mi-côte d’un escarpement qui, sur le flanc nord de cette colline, descend à pic jusqu’au fond d’un ravin où coule un arik, ou canal d’irrigation, dérivé du Zerafchane. Une demi-douzaine de grandes perches ou de mâts inclinés, du sommet desquels pendent des haillons sacrés ou des tougs, faits de queues de chevaux, et dont la hauteur est proportionnée à l’importance du saint, dominent le sarcophage, qui est en plein vent et que n’abrite aucune construction. Ce sarcophage est fait d’une maçonnerie grossière. Le saint qui y repose est, celui-là, bien réellement mort ; cela ne fait de doute pour personne, mais sa manière de se comporter n’en est que plus curieuse, car, quoique mort, il continue à grandir constamment dans son sépulcre. Tous les deux ou trois ans, les mollahs préposés à la garde du cercueil déterminent par un calcul savant, dont nous n’avons pu avoir les bases, de combien il convient de l’allonger, pour que ses dimensions soient