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ajouterons que les deux chapelles qui forment les ailes du bâtiment et auxquelles, du dehors, on accède directement par des portes indépendantes du dôme, contiennent des sarcophages du même style que les précédens, et qui en diffèrent seulement par leurs dimensions, lesquelles sont diverses selon l’âge ou l’importance des morts. Presque tous sont en marbre noir, très chargés d’inscriptions et généralement bien conservés. Il y en a huit dans la chapelle de droite et trois dans celle de gauche : d’ailleurs, ils paraissent tous avoir été transportés et ne pas occuper leurs emplacemens primitifs. Leur style est le même que celui du sarcophage du grand Timour, et il est juste de dire que l’exécution du travail de sculpture qui les décore, quoique plus moderne, ne le cède pas en perfection à celui-ci. L’ornementation intérieure de ces deux chapelles est d’ailleurs insignifiante ou a disparu. Quant aux autres constructions annexes de ce bâtiment central, qui complètent la masse du Gour-Émir, elles paraissent avoir été assez importantes, mais elles sont aujourd’hui en ruine. Un fait assez digne de remarque et qui a déjà été signalé, c’est que les mémoires de Baber, où la topographie de Samarkande est exposée d’une façon si détaillée et où ses monumens sont si soigneusement passés en revue, ne parlent pas du tombeau de Tamerlan. On pourrait en conclure que ce monument ne date pas en réalité de l’époque du conquérant, et qu’il est postérieur à la rédaction des mémoires de Baber, c’est-à-dire à l’année 1530. Mais comme ces mémoires signalent d’autre part un monument dont on ne trouve plus trace aujourd’hui, ou du moins que personne, parmi les habitans, ne connaît plus sous la dénomination que lui donne Baber, à savoir un médressé fondé par Mohammed-Mirza, fils de Djehan-Guir et petit-fils de Timour, pour y réunir les tombes d’une fille de ce prince et des plus illustres de ses petits-enfans, il est possible que le monument ainsi désigné ne soit autre que le Gour-Émir. Or, deux fils de Djehan-Guir ont porté ce nom de Mohammed-Mirza. L’un, son fils aîné, dont Tamerlan voulait faire son héritier après la mort de Djehan-Guir, mourut lui-même peu de mois avant son aïeul. L’autre, Pir-Mohammed-Sultan-Mirza, que Timour avait fait sultan des Indes, mourut assassiné à Gaznah en l’an 809 de l’hégire, c’est-à-dire deux ans après. Que ce soit l’un ou l’autre de ces deux princes qui ait fait construire le monument, cette construction est, dans les deux cas, à peu près contemporaine de Timour. Il n’y a donc pas lieu de la classer, comme on l’a fait, parmi les monumens de la décadence timouride. Bien que le Gour-Émir n’ait pas l’ampleur majestueuse de la Biby-Khaneh, ni la richesse d’ornementation du Chah-Zindeh, dont il sera question tout à l’heure, il mérite d’être rangé immédiatement après ces