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Ce prince, le meilleur, le plus lettré et le plus éclairé des Timourides, gouverna pendant trente-huit ans la Transoxane comme lieutenant de son père Chah-Rokh, successeur de Tamerlan. Mais Ouloug-Beg ne posséda lui-même que deux ans le pouvoir impérial, car, peu de temps après la mort de son père, il fut tué dans une émeute fomentée par son fils Abdoul-Latif, en 853 de l’hégire (1450). Sa mort fut le signal du démembrement et de la décadence de la monarchie timouride en Turkestan. Le médressé auquel il a donné son nom lut construit de 1420 à 1434. En 1440, Ouloug-Beg y fit ajouter un observatoire, dont il ne reste que des ruines. On ne compte, dans ce monument, que vingt-quatre cellules pouvant contenir comme pensionnaires une cinquante de mollahs.

Le médressé de Chir-Dar est le plus vaste et le plus orné des trois. On en attribue aussi la fondation à Yalangtach-Bahadour, qui affecta, dit-on, à l’érection de cet édifice somptueux le produit du pillage du trésor de Meched, la ville sainte de la Perse. Le rapprochement de ces deux faits historiques permet de fixer, avec une assez grande certitude, la date du commencement de la construction à l’année 1601. Ici la façade, qui borde le côté Est du Reghistan, se complique de deux dômes latéraux, que surmontent des coupoles cannelées, de forme bulbeuse, d’un effet un peu recherché, mais gracieux, et, sur la paroi de la cour intérieure adossée au portique d’entrée, une légère colonnade forme un troisième étage qui n’existe pas dans les autres édifices du même genre et qui surélève cette façade intérieure. On compte dans ce monument soixante-quatre cellules pouvant loger environ cent vingt mollahs.

Pour éviter d’entrer dans des digressions ethnographiques qui nous entraîneraient beaucoup trop loin, la question étant fort compliquée, nous n’entreprendrons pas de décrire ici ce qu’est la population de Samarkande. Nous dirons seulement que, comme dans toutes les grandes villes de l’Asie centrale, elle se compose d’un élément sédentaire, les Sartes, et d’un élément nomade, habitant les environs, lequel est composé ici par les Kirghiz ou Uzbegs. Les premiers s’adonnent au commerce ou à la culture et forment à eux seuls la population des villes et des oasis. Les autres ne bâtissent jamais aucune construction, n’ont d’autre moyen d’existence que l’élevage des troupeaux, auquel ils joignent, quand les circonstances le comportent, le pillage, comme ressource extraordinaire. Les Sartes, vêtus de khalats, longues robes faites d’étoffes aux couleurs voyantes, coiffés de pittoresques bonnets pointus que l’on nomme tépés, autour desquels ils enroulent souvent de volumineux turbans de mousseline, se distinguent bien nettement, par leur costume, des Kirghiz qui, vêtus de touloupes ou khalats en peau, sont coiffés de bonnets fourrés, faits de feutre ou