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certaines époques, ont pu loger des étudians nombreux ou contenir des livres et des archives aujourd’hui dispersés.

Les trois médressés qui, à Samarkande, encadrent le Retchistan, portent les noms de Chir-Dar, de Tilla-Khari et de Mirza-Ouloug-Beg. Le plus ancien serait, au dire des indigènes, celui de Tilla-Khari, situé sur le côté nord du Reghistan et dont le plan répond exactement à la disposition typique qui vient d’être décrite. Ce nom, qui signifie « vêtue d’or, » a été donné au monument à cause d’une frise de pierre, couverte d’une inscription ciselée en relief, qui fait le tour de l’une des chapelles intérieures et dont les lettres étaient autrefois dorées. Les vestiges de la dorure sont encore bien visibles. On attribue à cette inscription des propriétés miraculeuses. Sculptée dans un calcaire très dur, elle est encore aujourd’hui parfaitement déchiffrable. Suivant la plupart des auteurs, ce médressé aurait été construit beaucoup plus tard que ne le prétend la tradition vulgaire : il aurait été bâti seulement, en 1618, par l’Usbeg Yalangtach-Bahadour, grand-vizir d’Imam-Kouli-Khan. Ce dernier, descendant de Togaï-Timour. petit-fils de Dchingiz-Khan, enleva le trône de la Grande-Boukharic à la dynastie des Chéïbanides. Ce qui caractérise l’architecture du médressé de Tilla-Khari, entre tous ceux de Samarkande, et ce qui lui donne une physionomie spéciale, ce sont les deux étages d’arcades apparentes du dehors qui couvrent sa façade principale, à droite et à gauche du pichtak, et qui correspondent aux portes des cellules où logent des mollahs, prêtres ou étudians. Ceux-ci pourraient être au nombre d’environ cent trente, car on compte dans ce médressé soixante-six cellules ; chacune d’elles est destinée au logement de deux étudians environ. Cette disposition architecturale de la façade, exceptionnelle à Samarkande, se retrouve, en revanche, dans presque toutes les mosquées de Boukhara.

Le médressé de Mirza-Ouloug-Beg, qui forme le côté ouest du Reghistan, doit ce nom à son fondateur, un petit-fils de Tamerlan, Mohammed-Mirza, quelquefois appelé Timour II, et plus connu sous le nom d’Ouloug-Beg. Ce prince, célèbre par son immense érudition autant que par les encouragemens qu’il prodigua aux sciences et aux lettres, fit arriver Samarkande à l’apogée de son éclat intellectuel. Il y fonda de nombreuses bibliothèques, et c’est dans le médressé placé sous son patronage, qu’était conservée, dit-on, la plus riche d’entre elles. Aussi, aujourd’hui encore, fait-on presque toujours précéder son nom du titre de mirza, qui veut dire savant. Il s’est d’ailleurs acquis une grande réputation de science personnelle, entre les savans orientaux, par ses travaux astronomiques.