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paie 222 francs (intrinsèques) en 1483, 69 francs en 1503, 102 francs en 1532 ; 165 francs en 1537, 1,080 francs en 1575, 2,486 francs en 1670, 4,265 francs en 1677, 7,767 francs en 1694, et seulement 5,072 francs en 1750. Le principal des quatre contributions directes y est actuellement de 13,000 francs ; somme inférieure, d’après le pouvoir de l’argent, aux 5,000 francs du siècle dernier. La paroisse de Saint-Martin-d’Entraigues (Deux-Sèvres) payait, en 1716, 2,000 francs qui, au pouvoir de l’argent, en valent près de 6,000 actuels. Or, elle ne doit, en 1892, que 2,750 francs de contributions directes au trésor, et elle possède 345 habitans, tandis qu’en 1716 elle n’en avait que 275.

L’impôt direct augmenta partout pendant la deuxième moitié du XVIIIe siècle, mais dans une mesure très variée ; en Berry, il tripla presque de 1768 à 1786. En Seine-et-Marne, Vincy-Manœuvre était taxé à 3,500 francs en 1771 et à 9,000 francs en 1789 (cette paroisse ne doit en 1893 que 5,100 francs). À Brétigny, dans Seine-et-Oise, où le principal de l’impôt vaut actuellement 15,000 francs, les tailles n’étaient que 5,300 francs en 1785 ; tandis que dans l’Aisne, à Wissignicourt, où les contributions directes de 1893 rapportent 2,340 francs, celles de 1789 produisaient 2,600 francs, qui en représentent maintenant le double.

De plus, en compensation de ce que l’agriculture paie aujourd’hui à l’État, on doit calculer ce qu’elle reçoit de lui à divers titres. En 1629, où les a paroisses grêlées » figurent pour 7,900 livres parmi les dépenses provinciales et communales du trésor, le contribuable rural n’a pour ainsi dire aucun profit direct de l’argent qu’il a versé dans l’escarcelle du receveur ; il ne voit pas revenir vers lui sa monnaie digérée par la caisse publique qui, présentement, la restitue aux champs sous forme de primes, de subventions, de haras, de routes, chemins de fer ou canaux, sous forme de services multiples dont l’État moderne, à tort ou à raison, s’est chargé, mais qu’en somme il remplit et dont les citoyens jouissent, tandis que les sujets de jadis ne profitaient de rien de semblable.

Si donc l’État, ce troisième partageur du revenu foncier, prend plus qu’autrefois à la terre, il lui donne aussi bien davantage qu’aux temps passés ; et ce qu’il prend, il le prend mieux, avec plus de discernement et de justice. C’est pourquoi l’impôt contemporain, quoiqu’il soit plus élevé, paraît moins pesant que l’impôt monarchique.


Vte G. D’AVENEL