Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 115.djvu/799

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en conviendra, est le cas de l’exploitation foncière, aujourd’hui que toutes les terres françaises, susceptibles d’être cultivées, sont mises en valeur.

Jusqu’ici nous n’avons envisagé, dans la distribution des produits de la terre, que deux copartageans : le propriétaire et le fermier. Il en est un troisième, l’État, qui, par l’impôt, prélève aussi sa part depuis les temps modernes. Aux époques féodales où la propriété se confondait avec la seigneurie, le fermage avec le vasselage, il est impossible de déterminer, dans la rente payée au suzerain, la portion qu’il touche comme rentier, et celle qu’il perçoit comme policier, juge ou agent-voyer. On ne peut donc comparer en aucune façon les tailles du moyen âge avec les impositions foncières d’aujourd’hui.

Il s’y trouverait, du reste, d’étranges disparités : la ville de Provins qui, en 1180, est « abonnée » par le comte de Champagne, son seigneur, à 15,000 francs environ, et en.1230, à 39,000 francs, — lesquels, au pouvoir de l’argent d’alors, valent peut-être 160,000 de nos francs actuels, — ne paie aujourd’hui que 94,000 francs, comme principal des quatre contributions directes ; tandis que Troyes, où ces mêmes contributions présentes produisent au trésor 503,000 francs, ne payait, en 1275, que 18,600 francs, qui, même en tenant compte de la puissance d’achat quadruple des métaux précieux, ne représentent que 74,000 francs de nos jours.

Quant aux tailles royales, aux charges d’État qui sont venues, dans les trois derniers siècles, remplacer les taxes féodales, augmentant à mesure que ces dernières diminuaient, elles demeurèrent inférieures, sauf durant les périodes aiguës de désordres civils ou de guerres étrangères, à nos contributions directes de 1893. Si u la puissance législative et exécutrice » s’estimait, comme le dit l’Homme aux quarante écus, « co-propriétaire de droit divin de toutes les terres du royaume, » elle prenait cependant une moindre part de leur rendement que les gouvernemens contemporains.

Mais cette observation, qui est vraie en principe, ou, si l’on veut, en général, quand on met en regard, d’un côté le chiffre des tailles et celui des revenus fonciers de jadis, de l’autre le chiffre des quatre contributions directes et celui des revenus fonciers d’aujourd’hui, cesse de l’être dans l’application, dans le détail, si l’on compare la charge imposée, il y a cent et deux-cents ans, à certaines régions, à certaines communes, à certains individus, avec celle qu’ils supportent de nos jours. Avec notre cadastre aussi perfectionné que possible, avec notre contrôle aussi