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Le nouveau régime économique, inauguré il y a moins d’un an, ne peut manquer de porter un sérieux préjudice au commerce extérieur. Il a pour but avoué de diminuer les importations. Assurément, ses effets ne s’arrêteront pas là : les exportations subiront aussi un ralentissement de plus en plus prononcé. Un grand port comme Marseille, point de départ et d’arrivée de courans considérables d’échanges avec l’étranger, est tout désigné pour ressentir les conséquences directes de cette politique internationale. Et les résultats de l’année 1892 sont malheureusement là pour le prouver : ils se traduisent par un déficit de 1 million de tonnes environ. Mais, comme on ne saurait méconnaître ses intérêts sans compromettre ceux du pays, il devient urgent de lui faciliter la pénible tâche de conserver son rang déjà diminué. Il faut pour cela lui permettre de prendre une part plus directe, plus personnelle, au mouvement d’affaires intérieur. Le littoral de l’étang de Berre fournira les emplacemens nécessaires à l’établissement d’une sorte de succursale industrielle ; la région se transformera ; les villes que le Rhône traverse reverront l’activité et l’aisance que le chemin de fer leur a ravies sans pouvoir les leur rendre. L’agriculture elle-même trouvera à la fois facilités et profit dans l’établissement d’un moyen de transports aussi propre à ses produits qu’à ceux de l’industrie. Enfin, les régions du Nord et de l’Est participeront à cette nouvelle source de richesses qui, grâce à la solidarité que créent les voies de communication, se répandra sur la France entière. Car, c’est ici le lieu de rappeler ce passage de l’exposé des motifs du projet de loi de 1878, dû à l’éminent et regretté Dupuy de Lôme : « Le Rhône forme la première section de cette grande artère qui se continue par la Saône, de Lyon à Saint-Jean-de-Losne ; par le canal de Bourgogne de Saint-Jean-de-Losne à La Roche-sur-Yonne ; par l’Yonne, de La Roche à Montereau ; par la Haute-Seine, de Montereau à Paris ; par la Basse-Seine, de Paris à Rouen ; enfin, par la Seine maritime de Rouen au Havre.

« L’Oise, le canal de Saint-Quentin, l’Escaut et les nombreux canaux qui s’y rattachent, joignent cette grande ligne principale avec les houillères de la Belgique et avec les ports du littoral du Nord.

« D’un autre côté, l’ouverture du canal de l’Est entre la Haute-Saône canalisée et la Meuse procure à la vallée du Rhône un nouveau débouché vers nos frontières de l’Est. »

Dans quelle mesure ces larges vues d’ensemble ont-elles reçu la consécration des faits ? Il n’y a, pour en juger, qu’à jeter un coup d’œil sur une des cartes de l’Atlas, publié sous la direction du savant statisticien M. Cheysson, par le ministère des travaux publics,