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Le choix des sujets peut paraître bien singulier pour la chaire du prince des apôtres ; mais les morceaux ont été évidemment rapportés là après coup de quelque ciste ou meuble antique ; plusieurs de ces plaques ont même été mises tout de travers et à l’envers, et Hercule exécute certains de ses travaux la tête en bas et les pieds en l’air. Ce n’en est pas moins le trône le plus ancien et le plus auguste du monde ; il me manque quelque peu dans le fameux exorde de Macaulay sur le Nouveau-Zélandais de l’avenir.

Des autels latéraux étaient venus de bonne heure s’ajouter au maître-autel central de la Confession : au temps de Jules II, on en comptait jusqu’à vingt ; les plus célèbres étaient les oratoires consacrés aux quatre grandes reliques qu’enferment maintenant les quatre piliers de la coupole. Chose étrange, deux de ces grandes reliques n’ont été déposées à Saint-Pierre que vers la fin du XVe siècle et par des mains bien profanes : un Paléologue schismatique, un despote fugitif de Morée apporta à Rome, en 1461, le crâne de saint André ; la Sainte-Lance fut un cadeau du sultan Bajazet, le fils du conquérant de Constantinople ! En revanche, l’oratoire de la Sainte-Croix et l’autel du Santo Volto dataient du VIe et du VIIe siècle. Arrivé au plus haut cercle du paradis, devant la rose blanche de la milice sacrée, en face de Béatrice et de saint Bernard, Dante s’écrie : « Je fus comme celui qui, venu des confins de la Croatie pour voir notre Véronique, ne peut rassasier ses yeux du spectacle d’une gloire si antique et ne cesse de se dire : Tels étaient donc vos traits, ô Christ, mon Seigneur et vrai Dieu ! .. » De la Veronica nostra, la dévotion populaire s’est portée depuis à la statue en bronze de l’apôtre si bien connue aujourd’hui, mais qui, au moyen âge, fut loin de jouir d’une « gloire aussi antique ; » au commencement du XVIe siècle, elle n’avait pas encore de place dans l’église vaticane[1].

Le grand tombeau de la Confession avait, lui aussi, son cortège, un immense cortège funéraire. Des deux cent cinquante pontifes qui, avant Jules II, s’étaient succédé sur le trône de Saint-Pierre, quatre-vingt-douze reposaient sur le plateau du Vatican, devenu, depuis le Ve siècle surtout, le Campo Santo ordinaire des papes. Du fond de l’atrium, les tombes s’étaient avancées avec le temps jusqu’au vestibule, avaient pénétré dans l’église elle-même, rempli les bas-côtés et la grande nef : on avait là devant soi toute une histoire monumentale, une des plus complètes et des plus

  1. On la voyait dans l’église Saint-Martin, à l’ouest du Vatican. La Pietà, de Michel-Ange, qui date de 1499, fut originairement déposée à l’église de Sainte-Pétronille ; elle n’occupe sa place actuelle dans la basilique que depuis 1749.