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janvier. Toutes les exécutions que la liquidation, faite en baisse, avait rendues nécessaires, étaient terminées ; la place était déblayée. Le public capitaliste, loin de s’abandonner à la panique, ne songeait qu’à profiter des bas cours, ainsi que l’indiquait l’importance des achats au comptant. La reprise attendue a eu lieu le jour même de la rentrée des chambres et de l’ouverture du procès de Panama, alors qu’un ancien ministre venait d’être mis en arrestation, que la chambre allait enlever la présidence à M. Floquet et que le ministère donnait sa démission, pour se reconstituer, en abandonnant trois de ses membres, MM. de Freycinet, Loubet et Burdeau.

Une hausse de plus d’un point sur la rente, de 93.70 à 94.80, a pu paraître illogique, se produisant au milieu d’un tel concours d’incidens propres à redoubler les inquiétudes politiques. Mais elle répondait à une situation de place complètement transformée. Les capitaux se retrouvaient en face de positions prises à la baisse sur toute la ligne et le moindre effort suffisait pour déterminer un puissant courant de rachats.

Aujourd’hui, le 3 pour 100 est établi un peu au-dessus de 95 francs, l’amortissable à 96 francs, le 4 1/2 à 106 francs environ. C’est exactement la situation du marché de nos rentes, il y a un an, avant les exagérations haussières qui portaient six mois plus tard le 8 pour 100 au pair. Les obligations de chemins de fer et du Crédit foncier, les actions de nos grandes compagnies, les fonds russes, nos grandes valeurs industrielles, ont opéré un mouvement en arrière parallèle à celui de la rente 3 pour 100. Or les titres que nous venons d’énumérer sont, de toute évidence, ceux que recherche actuellement la masse des capitaux disponibles, masse sans cesse grossissante, qui considère ces placemens comme les plus sûrs, et à laquelle depuis longtemps on n’en offre plus qui aient le don de la séduire.

Il y a donc bien des présomptions en faveur d’une amélioration graduelle des cours. Des incidens politiques nouveaux ou l’aggravation de ceux qui ont déjà produit leur effet, pourront enrayer le mouvement, déterminer même, aux momens les plus inattendus des retours en arrière brusques et temporaires. Mais une dépréciation plus forte, lente et progressive, n’aurait point de raison d’être, si le ministère actuel réussit à vivre, si l’opinion publique garde son sang-froid devant les tentatives que fera la presse pour multiplier les scandales, et si la chambre, laissant l’affaire de Panama à la justice qui s’en est saisie, s’occupe avec suite des deux budgets qu’elle a à régler et des lois d’affaires qui lui restent à voter avant la dissolution.

On a déjà pu noter que, dans tout le cours de la crise, un de nos fonds nationaux, le 4 1/2 pour 100, a présenté la plus remarquable fermeté. Il est même en hausse aujourd’hui sur les prix cotés, alors que le 3 pour 100 était encore au pair. Ce fonds a bénéficié de très