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la présidence de la chambre, M. Ribot au ministère de l’intérieur, qu’est-ce que tout ceci signifie ? où va-t-on ? c’est la réaction qui triomphe avec le centre gauche, avec les modérés ! Eh oui, qu’on le veuille pu qu’on ne le veuille pas, c’est une réaction d’une certaine manière : elle est dans la force des choses. C’est une réaction, non contre les institutions, contre le principe du gouvernement, mais contre les faiblesses et les confusions de ces derniers temps, contre la politique de connivence avouée ou inavouée avec toutes les agitations. C’est cela ou ce n’est rien. Le ministère lui-même se rend-il parfaitement compte de la position qui lui est faite, de ce que les circonstances lui imposent ? À la vérité, on ne voit pas bien encore quelles sont les intentions de M. le président du conseil, ce qu’il a voulu dire, dans les premières explications qu’il a données à la chambre, en se défendant de chercher une « orientation » nouvelle, en parlant de la « défense républicaine, » de « l’union républicaine. » Ne serait-ce là par hasard qu’un nom nouveau donné à ce qui s’est si longtemps appelé la « concentration républicaine ; » mais alors, ce serait jouer un vieil air, continuer tout simplement la politique qui a créé la situation où l’on se débat, qui est désormais épuisée. M. le président du conseil avec son esprit politique, avec sa juste et sérieuse intelligence des choses, est fait pour se mettre au-dessus de la banalité des partis. Il est homme à comprendre que les petits expédiens ne suffiraient plus. Il est à un moment décisif, et en se décidant il est sûr d’avoir l’appui de l’opinion, de gagner la confiance publique. Comme tous les hommes prévoyans, il le sent bien : s’il y a aujourd’hui une politique sûre, efficace, c’est de parler sans subterfuge et sans équivoque, c’est de ne pas craindre de s’adresser plus que jamais à toutes les bonnes volontés. S’il y a un moyen de servir utilement la république, c’est d’aller tout droit, de faire justice d’abord de tous ces scandales qui pèsent sur l’opinion, — et ensuite de faire face résolument à tous les désordres, de rassurer les esprits et les intérêts, de raffermir la société française un instant ébranlée.

Non, décidément, de quelque côté qu’on se tourne, les affaires du monde n’ont rien de brillant et de réconfortant à ce début d’une période nouvelle. L’année a tout l’air de commencer assez mal, tristement pu médiocrement, dans la plus grande partie de l’Europe, aussi bien qu’en France. La paix, il est vrai, la paix entre les nations ne semble pas pour le moment menacée ; on ne voit pas, même parmi ceux qui ne cessent de s’armer et s’échauffent partout dans leurs discours, qui donnerait le signal des conflits. Il y a mieux : l’attention générale semble assez distraite de toutes ces combinaisons de diplomatie, de ces négociations mystérieuses d’alliances qui ont l’air de préparer les grandes luttes. On croit à la paix parce qu’on la désire : c’est toujours autant de gagné ; mais, à part cela, il en faut convenir, l’Europe passe