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amour-propre. Sans avoir parcouru le monde, on peut l’observer, dans ce Paris qu’elle aime, à Nice, à Pau, à Cannes, en Suisse, partout à l’aise, la première à rire de ses méprises de langage, de son ignorance des usages continentaux. Où que ce soit, elle semble chez elle. Elle y est en effet, et le pays qui lui plaît est, pour le temps qu’elle l’habite, son pays d’adoption. L’idée ne lui vient pas qu’elle pourrait être ou paraître ridicule ; l’idée ne lui vient pas qu’une femme puisse l’être et qu’un homme puisse le penser. Telle est la confiance, confiance justifiée par l’expérience, que lui donnent les privilèges de son sexe, qu’elle n’a ni réserve craintive, ni maladive timidité. Jeune fille, les hommages ne sont pas pour l’embarrasser, les attentions pour la déconcerter. Elle y est habituée et témoigne franchement du plaisir qu’ils lui causent.

Elle est le résultat d’un mode d’éducation, d’un genre de vie, qui diffèrent profondément des nôtres. On lui a enseigné à compter sur elle-même, à juger par elle-même. Dans ses rapports avec les hommes, elle a toujours été libre, mais responsable, gardienne de son honneur et artisan de son avenir. Elle a vu et observé ; elle n’ignore pas les difficultés de la vie, non plus que les périls de l’indépendance. Si l’on objecte que cette science prématurée est souvent pour la rendre, sous des dehors brillans et enjoués, froidement calculatrice et de trop bonne heure avisée, on peut répondre que, tôt ou tard, force lui sera bien de déduire elle-même ses propres conclusions de ce qui l’entoure, du monde dans lequel elle vit, et que mieux vaut peut-être que ses yeux s’ouvrent à l’évidence et que son jugement se forme avant le choix qui décidera de son existence.

Il est difficile, dans l’examen d’une pareille question, de s’abstraire soi-même assez des usages et des idées du milieu dans lequel on vit pour être absolument impartial. D’instinct, l’on incline vers les idées admises, les coutumes usuelles et les axiomes courans. Les nôtres s’écartent trop encore de ceux d’outre-mer, pour que ceux-ci n’éveillent pas de vives contradictions. En pareille matière, l’expérience seule est de mise, ce n’est que par les résultats obtenus que l’on peut équitablement juger.

Cette expérience est concluante et ces résultats sont satisfaisans. Nous n’avons, dans cette étude sur la femme aux États-Unis, ni dissimulé les sérieux inconvéniens que comportait, avec l’excessive liberté laissée aux jeunes filles, une législation trop relâchée à l’endroit du mariage, trop facile à l’endroit du divorce, ni laissé dans une ombre volontairement indulgente des écarts, des travers signalés d’ailleurs par tous les voyageurs. C’est aux sources américaines elles-mêmes que nous avons puisé, les tenant