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avec laquelle elle fait faire antichambre dans son salon à ses visiteurs et à ses visiteuses ; traits caractéristiques des femmes qui ne sont plus jeunes. 3o L’impossibilité pour elle de laisser finir celui ou celle qui parle avant de prendre la parole ; trait commun à toutes les femmes, comme aussi le suivant. 4o L’impossibilité d’être exacte et leur impolitesse les unes vis-à-vis des autres. » Pour des raisons sur lesquelles l’auteur dit n’avoir pas besoin d’insister parce que chacun les devine, cette impolitesse est moins marquée vis-à-vis des hommes. « Elle n’en existe pas moins, assure-t-il, mais se révèle autrement. Entrez dans une gare de chemin de fer, prenez votre rang dans la file. Une femme arrive et va droit au guichet sans le moindre souci de ceux qui attendent leur tour. Elle réclame un billet, se dit pressée et demande à l’employé des renseignemens sans fin que l’indicateur qu’elle tient à la main peut lui fournir. Si quelqu’un réclame et l’invite à se placer à son rang, elle le tient pour un impertinent et le lui laisse entendre. Elle ne veut ni attendre ni se presser ; l’idée ne lui vient pas qu’elle empiète sur les droits de ceux qui la précédaient, et si le buraliste impatienté la prie de faire place à ceux qui suivent et de se renseigner ailleurs, elle s’éloigne, indignée de son insolence. »

Mêmes allures et mêmes exigences dans tous les endroits ouverts au public, dans les bureaux de poste, de concerts et de spectacles, affirme M. Adams. Partout elle prétend passer la première, être servie la première et, sans le moindre souci des autres, accaparer le temps et l’attention des commis qu’elle accable de questions sans souvent écouter leurs réponses. « Mais, ajoute-t-il, c’est dans les magasins de nouveautés qu’il faut la voir étaler son inconscient égoïsme. Depuis le moment où elle franchit le seuil, en laissant négligemment retomber la porte sur celle qui la suit, jusqu’à l’heure où elle quitte, pas une minute où elle n’affiche le plus profond dédain des convenances de ses semblables. Pendant des heures elle condamne de malheureux employés à déplier des étoffes qu’elle n’a nullement l’intention d’acheter ; elle fait à haute et intelligible voix des commentaires blessans sur la lenteur et la bêtise des vendeuses ; elle déplace et laisse tomber les objets avec la plus parfaite indifférence ; elle toise insolemment ses voisines de haut en bas ; elle encombre les couloirs, et son ombrelle est une perpétuelle menace pour les yeux de ses compagnes. Quand elle part, enfin, n’ayant rien fait de ce qu’elle eût dû faire et beaucoup fait qu’elle n’eût pas dû faire, elle rentre chez elle la conscience aussi satisfaite qu’une sainte du moyen âge, après une journée consacrée à des œuvres pies ; autour d’elle elle affirme avec complaisance que les hommes n’entendent rien à l’art d’acheter et que les femmes seules