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et surtout sur les femmes américaines, n’est pas un fait récent, non plus que les causes multiples de cette attraction ne sont nouvelles. L’étude de quelques types, pris en des temps divers, mettra mieux dans leur jour, avec les facultés d’adaptabilité de la femme américaine, les qualités et les défauts inhérens à la race et au milieu que nous étudions. Il est des representative women de même qu’il est des representative men, et l’histoire de l’une d’elles, histoire qui se mêle à la nôtre et que ses lettres permettent de reconstruire, nous montrera mieux qu’aucune considération générale l’attraction qu’exerce ce milieu sur la femme ; elle mettra aussi en relief les deux facteurs primitifs que nous venons de noter : la volonté énergique et l’amour de l’argent en tant que moyen d’action.


II

Le 4 avril 1878, Elizabeth Patterson, épouse légitime et répudiée de Jérôme Bonaparte, ex-roi de Westphalie, mourait à l’âge de quatre-vingt-treize ans. Sa beauté, son infortune imméritée, son esprit caustique et mordant et les événemens auxquels elle s’est trouvée mêlée lui assurent une place dans l’histoire de son temps.

Née à Baltimore, le 6 février 1785, Elizabeth Patterson débuta dans la vie sous les auspices les plus favorables. Dès l’âge de quinze ans, sa merveilleuse beauté était célèbre bien au-delà des limites étroites d’une petite ville de l’État de Maryland. Son père, négociant habile et probe, occupait le premier rang parmi les commerçans de Baltimore. Elle avait dix-huit ans quand, en 1803, Jérôme Bonaparte, frère du premier consul, visita New-York et, sur l’invitation du commodore Barney, se rendit à Baltimore. C’est là, à des courses données en son honneur, qu’il rencontra Elizabeth Patterson, dont il s’éprit à première vue. Il était jeune, amoureux, entouré de cette auréole de gloire qui s’attachait au nom de Bonaparte. Trois mois plus tard, le mariage civil était célébré devant le consul de France, et le mariage religieux par l’évêque de Baltimore.

On sait que ce mariage, non reconnu par l’empereur, fut arbitrairement cassé en 1805 et que le prince Jérôme épousa, en 1807, la princesse Frédérique de Wurtemberg. On sait aussi avec quelle énergie et quelle persévérance Elizabeth Patterson défendit ses droits et ceux de son fils Jérôme-Napoléon. Forcée de s’incliner