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l’ennemi, de glorifier les violences de ceux qui ont menacé la vie d’un directeur. On arrangera cela comme on voudra, tout se tient, et le jour où le dernier attentat est allé retentir douloureusement au Palais-Bourbon, M. le président du conseil lui-même n’a pu s’empêcher de signaler cet « apostolat » de l’agitation, ces « missions à l’intérieur » de ceux qui vont partout porter la colère et la révolte.

Eh bien ! c’est là vraiment désormais toute la question. L’anarchie morale qui précède et prépare l’anarchie matérielle est un fait criant. C’est le danger évident, et ce serait une étrange idée de croire qu’on va l’atténuer ou le détourner par des capitulations nouvelles, en combinant cette alliance des radicaux et des socialistes que M. Millerand, tout chaud encore de sa campagne de Carmaux, est allé prêcher récemment, — sans trop de succès d’ailleurs, à Lyon. Les crises ministérielles, — si on veut encore se donner ce passe-temps, — ne seraient probablement pas non plus un remède bien efficace. Le changement de quelques hommes ne servirait à rien ; mais ce qu’il y a de bien clair, quels que soient les hommes, c’est que la politique des concessions, des faiblesses, de la longanimité devant les violences factieuses est épuisée. Elle a produit tout ce qu’elle pouvait produire. Elle n’a servi qu’à ramener la France à une de ces situations indécises où elle risquerait désormais de perdre le crédit qu’elle avait reconquis. La seule politique sérieuse, elle est dans la nature des choses, elle est, pour ainsi dire, toute tracée, imposée par les circonstances : c’est de raffermir les ressorts publics ébranlés, de faire sentir le poids, de la loi, de la justice, à ceux qui se croient tout permis, d’obliger les syndicats, les municipalités radicales ou socialistes à rentrer dans leur rôle, d’avoir une police vigilante et active, — d’opposer en un mot aux incohérences révolutionnaires le gouvernement légal du pays. Tous les ministères, depuis des années, ont un malheur : ils ne connaissent pas leur force ; ils doutent d’eux-mêmes et vivent de faiblesses, parce qu’ils s’obstinent à rester des ministères de parti. Ils ne savent pas tout ce qu’ils pourraient le jour où ils se décideraient à être le gouvernement de la France rassurée, moralement pacifiée, résolue à se faire respecter.

Heureusement, à travers tout, il y a pour un pays comme le nôtre des dédommagemens, — et tandis que les agitateurs promènent ici leur activité malfaisante, il y a de braves gens qui portent au loin le nom de la France, qui ne font pas de politique, qui savent mourir sans bruit pour l’honneur du drapeau. Il y a cette expédition du Dahomey qui a été lente à s’organiser, mais qui commence à se dégager et qui apparaît désormais comme un succès pour nos armes.

Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on est engagé dans toutes ces affaires du golfe de Bénin, dans ces différends obscurs et agaçans avec un petit potentat nègre, le roi Behanzin, Jusqu’à quel point la politique qui a été suivie