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l’Amérique équatoriale, est la capitale de la république. Peuplée de 75,000 habitans, la ville s’élève, par 922 mètres d’altitude, au pied de la chaîne de l’Avila, dans un cadre pittoresque de montagnes lointaines et de la riche vallée du Chacao. Foyer intellectuel et centre politique du Venezuela, Caracas possède une université, une académie des beaux arts, une école de droit, de médecine, des arts et métiers, et une école polytechnique. On y trouve tous les conforts de la civilisation moderne, et la moyenne des élèves y est proportionnellement supérieure à ce qu’elle est en France, en Angleterre et en Allemagne. La capitale est reliée à la mer par le port de la Guayra, avec lequel elle communique par une voie ferrée. La Guayra, située sur la mer des Antilles, est le premier port commercial et militaire de la république. Il renferme plus de 16,000 habitans, et son mouvement maritime se chiffre par 45 millions de francs à l’année pour le commerce étranger et 12 millions pour le cabotage.


II

Dans ce cadre pittoresque, une population de près de deux millions et demi d’habitans. Elle se compose de blancs, descendans des envahisseurs ou émigrés d’Europe, d’Indiens, de nègres, de Caraïbes et de métis. Ces derniers, mulâtres ou Zambos, sont les plus nombreux ; les Indiens indépendans, ou Indios bravos, ne sont plus guère que 66,000, les Indiens civilisés, ou reducidos, au nombre de 260,000, se confondent avec la population métisse.

Au premier rang, dans cette classification des races : le blanc de race pure, l’Espagnol de race conquérante. Il est caballero, homme de cheval et de parade, intelligent, mais le plus souvent paresseux, brave, mais oisif, généralement dépourvu d’initiative. Son inaction et son absorption dans l’idée collective sont l’un des traits caractéristiques du Vénézuélien. Il attend tout du gouvernement ; il ne s’estime quelqu’un qu’à la condition de disposer, à un degré quelconque, d’une fraction de l’autorité. Nulle part le fonctionnarisme n’est, à ce point, l’idéal ; nulle part le gouvernement n’est, autant qu’ici, la source des grâces et des honneurs. À défaut du travail, que ce blanc de descendance espagnole dédaigne, de l’esprit d’entreprise qui lui fait défaut, du commerce et de l’industrie qu’il abandonne aux étrangers, la politique peut le mener à la réputation et à la fortune. Il a ce qu’il faut pour y réussir : l’esprit vif et alerte, la parole imagée, l’extérieur avantageux, le goût des discussions et des manifestations. Elle a ce qu’il faut pour lui plaire, car elle s’accommode de la vie large et élégante, elle comporte les longues stations sous les porches des églises,