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125 millions ou 125.3 millions en 1878, et ne sont pas actuellement inférieures à 117.6 millions. On doit d’autant moins appréhender une pénurie d’or que de nouveaux gisemens aurifères ont été découverts dans l’Afrique australe et commencent seulement à être exploités.

Parmi ceux qui s’applaudissent de la réunion d’une nouvelle conférence, le groupe le plus bruyant se compose des industriels du Lancashire, qui se plaignent d’avoir perdu dans l’Inde un débouché sur lequel ils s’étaient habitués à compter, des négocians de Liverpool qui ont à subir un change onéreux lorsqu’ils veulent faire revenir en Europe le prix des marchandises qu’ils ont envoyées ; enfin, les fonctionnaires de l’administration indienne, qui sont payés en espèces d’argent et qui doivent également supporter le change pour les remises qu’ils ont à faire en Angleterre. Ce sont là des souffrances individuelles, elles ne sont ni assez nombreuses, ni assez intenses pour mériter qu’on essaie de lutter par des mesures législatives contre la force des choses. L’Inde est devenue un pays industriel ; l’élévation du change a remplacé pour elle les droits d’entrée dont Manchester a imposé l’abolition à l’administration anglo-indienne : aujourd’hui, ses tissus ont chassé de la Birmanie, de Singapoor, du Japon, de Hong-Kong et de Shanghaï les tissus du Lancashire. Il y a des industries qui sont irrévocablement perdues pour l’Angleterre. La ville écossaise de Dundee avait, il y a quelques années, le monopole de la fabrication des toiles de jute, si fort en usage dans l’extrême Orient ; mais le jute avait à supporter un premier fret de l’Inde en Europe à l’état de matière première et un second fret de Dundee dans l’Inde à l’état de tissu. L’économie de ce double fret a été un avantage suffisant pour permettre à l’Inde de fabriquer elle-même les toiles de jute dont elle a besoin. Que faire à cela et quelle législation monétaire remédiera à de pareils changemens ?

Le plus à plaindre, en cette occurrence, est le gouvernement anglo-indien. Il perçoit tous ses revenus en argent, et il a des paiemens considérables et obligatoires à effectuer en or. En 1877, les sommes employées à la construction des chemins de fer dans l’Inde s’élevaient déjà à 2,250 millions ; il a été également dépensé des sommes considérables pour des travaux de dessèchement et pour les canaux d’irrigation. Tous ces capitaux ont été demandés à l’Angleterre, soit que le gouvernement anglo-indien les ait empruntés directement, soit qu’il leur ait seulement donné sa garantie. Le remboursement de ces capitaux et le paiement des arrérages doit s’effectuer en or. Les intérêts de la dette indienne, la quote-part de l’Inde dans certaines dépenses de l’empire, les