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dans les banques et dans les caisses du trésor et disait de la question monétaire : « Elle n’est plus, à beaucoup près, dans un état aussi aigu que celui où elle se trouvait quand l’Union latine a été renouvelée. De 1886 à 1891, on n’a plus à signaler qu’une sorte d’adaptation progressive aux conditions de fait résultant des régimes monétaires des différens pays. La question monétaire agite actuellement les États-Unis ; mais cela tient à l’imperfection du régime monétaire de ce pays, qui n’est ni bimétalliste ni monométalliste. Il faudra que l’Union américaine se résigne soit à ne plus frapper d’argent, soit à en déclarer la frappe absolument libre ; sinon, elle aura tous les inconvéniens qu’implique une circulation d’argent sans en avoir les avantages. Les Américains reconnaissent les difficultés qui résultent pour eux de leur système monétaire transactionnel et ils cherchent à en sortir ; mais ils voudraient en sortir en entraînant les principaux pays de l’Europe dans une ligue bimétalliste. » M. Luzzatti, quand il s’exprimait ainsi, ne pouvait prévoir l’invitation du président Harrison ; il ajoutait qu’il n’y avait, aux États-Unis, que les propriétaires de mines et les débiteurs qui fussent partisans du monnayage de l’argent.

La Russie se prépare à suivre l’exemple de l’Autriche. Elle est elle-même productrice d’or dans une proportion importante, elle vient immédiatement après les États-Unis et l’Australie, elle a accumulé des quantités considérables d’or dans le trésor impérial, indépendamment de l’encaisse de la Banque de Saint-Pétersbourg. Ses opérations financières avec l’Europe 5e sont toutes traitées sur la base de l’or. Elle a depuis 1876 suspendu toute frappe d’argent, sauf pour les pièces spéciales qui sont nécessaires pour son commerce avec la Chine. Elle est condamnée pour longtemps encore à conserver sa circulation de papier ; mais quand elle sera en mesure de la retirer, elle n’emploiera l’argent que comme monnaie divisionnaire, et elle passera directement à l’étalon d’or sans se créer les difficultés d’une station intermédiaire. Restent la France et l’Angleterre. Nous avons cité la lettre par laquelle M. Rouvier réduisait le congrès de 1889 au rôle d’une réunion académique. Dans la séance du 31 mai dernier, M. Rouvier s’est prononcé très énergiquement contre la dénonciation de l’Union latine ; il a été moins net en ce qui concerne la future conférence : toutefois il a réclamé l’ordre du jour pur et simple afin de réserver au gouvernement une entière liberté d’action. En recevant, le 11 mai, la députation de la ligue bimétallique, M. Goschen lui a tenu un langage dont l’extrême réserve a été remarquée : « Les États-Unis, a-t-il dit, ont libellé leur invitation de telle sorte que les autres pays peuvent l’accepter sans engager en rien