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gouvernement américain, que le ministre des États-Unis avait remise, l’avant-veille, 9 mai, au premier ministre et que le gouvernement avait acceptée. M. Ribot a fait une déclaration analogue à la chambre des députés, et, à Bruxelles, M. Beernaert, interrogé par M. de Neff, a annoncé également l’acceptation de la Belgique. Il y aurait eu un tel manque de courtoisie à décliner l’invitation des États-Unis dans les termes où elle est conçue qu’on ne pouvait douter de l’adhésion d’aucune puissance. Il avait été d’abord annoncé que la conférence se réunirait à Bruxelles en septembre : la date, définitivement adoptée, a été le 22 novembre. La conférence doit être précédée de quelques jours par une réunion des délégués de l’Union latine. Les délégués français sont MM. Tirard, de Foville et de Liron d’Airolles.

Quelles chances la future conférence a-t-elle d’aboutir mieux que ses devancières ? Nous avons reproduit à dessein les déclarations faites, au sein de la conférence de 1881, par les représentans des principales puissances. Elles nous semblent dicter la réponse. S’est-il produit en Europe un seul événement grave de nature à modifier la situation monétaire d’un pays quelconque et à influer sur les résolutions de ses ministres ? Recueillons cependant les paroles ou les actes des principaux gouvernemens. Le 11 décembre 1891, le Reichstag discutait une convention commerciale avec l’Angleterre et le tarif des douanes. L’orateur habituel de la fraction agricole, M. de Kardorff, déclarait qu’il n’accorderait les nouveaux droits sur les blés qu’autant qu’on réintégrerait l’étalon d’argent. Que répondit le chancelier, M. de Caprivi ? « M. de Kardorff a soulevé la question monétaire ; je crois qu’il est inutile de s’en occuper maintenant. Elle est restée sans solution depuis plus de vingt ans, et je ne vois nulle probabilité de la faire avancer d’un pas… Je ne méconnais pas qu’il existe maintenant, pour l’emploi de l’argent, un courant plus fort qu’il y a dix ou quinze ans, mais je ne crois pas que ce courant soit assez vif pour engager cette question avec chance de succès. » Le gouvernement austro-hongrois, dont le papier-monnaie est arrivé au pair avec l’argent et quelquefois fait prime par rapport à l’argent, avait un moyen bien simple d’abolir le cours forcé : c’était de retirer ses billets en les échangeant contre des espèces d’argent qu’il lui eût été facile de se procurer. Loin de recourir à ce moyen, il a fait voter par les deux parlemens des lois qui ont pour objet d’établir l’étalon d’or en Autriche et en Hongrie ; et il négocie l’emprunt qui doit lui fournir les lingots d’or nécessaires. Va-t-il demander aux chambres de Vienne et de Pesth de se déjuger ? Au sein du sénat italien, le 26 janvier dernier, M. Luzzatti se faisait honneur d’avoir accru les réserves d’or