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sulfurés et arsenicaux, au sein des lames métalliques soumises à l’action tinctoriale des élixirs ; mais on rendait praticable l’évaporation et la récolte des liquides placés dans les alambics.

Cependant, les opérateurs du moyen âge avaient fini par s’apercevoir que l’on pouvait conduire les manipulations plus rapidement : les distillations, par exemple, en refroidissant le chapiteau et le tube consécutif qui conduisait au récipient final. À cet effet, ils disposèrent d’abord autour du chapiteau un seau rempli d’eau froide : ce qui facilitait la condensation, mais en faisant retomber une partie des vapeurs liquéfiées au sein de la chaudière. Un nouveau perfectionnement, et c’est celui que décrit Porta, consista à contourner le tuyau entre le chapiteau et le récipient et à lui donner la forme d’un serpent (anguineos flexus). Ainsi prit naissance notre serpentin actuel ; on l’entoura d’eau froide contenue dans un vase de bois. L’alambic moderne se trouva dès lors constitué. Toutefois, l’usage du serpentin ne se répandit que lentement et l’invention est encore regardée comme récente par les auteurs du XVIIIe siècle.

Tels sont les progrès successifs accomplis au moyen âge dans la construction des appareils destinés à la distillation des liquides.

Observons ici que nous avons entendu dans le présent article le mot distillation au sens moderne d’évaporation, suivie par une condensation de liquide ; mais dans beaucoup d’auteurs du moyen âge le sens est plus vague. En effet, ce mot signifiait, au sens littéral, écoulement goutte à goutte, et il s’appliquait aussi bien à la filtration, et même à tout raffinage et purification. Le mot distiller, même dans notre langage moderne, est employé quelquefois dans ce sens.

Ce n’est pas tout : il comprenait autrefois, dès l’époque gréco-égyptienne, deux applications profondément distinctes, savoir la condensation des vapeurs humides, telles que l’eau, l’alcool, les essences, et la condensation des vapeurs sèches, sous forme solide, comme les cadmies ou oxydes métalliques, le soufre, les sulfures métalliques, l’acide arsénieux et l’arsenic métallique, qui était le second mercure des alchimistes grecs, et plus tard les chlorures de mercure, le sel ammoniac, etc. Nous désignons aujourd’hui cette condensation des vapeurs sèches sous le nom de sublimation. Elle exige des appareils spéciaux, employés déjà par les anciens et qui ont donné naissance à l’aludel arabe. Mais il suffit de signaler ici cet autre côté de la question, origine aussi de diverses industries modernes : malgré sa connexité avec l’étude de la distillation, je ne crois pas devoir y insister, parce qu’il est étranger à la découverte de l’alcool.