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retrouvera-t-on quelqu’un de ces appareils dans le temple de Phta, à Memphis, dont on a commencé récemment les fouilles. Zosime, en effet, parle en termes formels des appareils qu’il a vus dans un temple de Memphis.

L’alambic a passé ainsi des expérimentateurs gréco-égyptiens aux Arabes, sans aucun changement notable. Ceux-ci ne sont donc pas les inventeurs de la distillation, comme on l’a affirmé trop souvent. En chimie, comme en astronomie et en médecine, les Arabes se sont bornés à reproduire les appareils et les procédés des Grecs, leurs maîtres, tout en y apportant d’ailleurs certains perfectionnemens de détails. C’est à tort qu’on a fait remonter la découverte de la distillation et celle de l’alcool à Rasés, ou à Abulcasim et autres auteurs arabes ; du moins les textes, vérifiés avec précision, ne m’ont fourni aucune indication de ce genre.

En effet, Rasés (Xe siècle), dans les passages cités à l’appui de cette opinion, parle seulement des vina falsa ex saccaro, melle et riço, c’est-à-dire des liquides vineux (vins prétendus) obtenus par la fermentation du sucre, du miel et du riz ; liquides dont certains, l’hydromel par exemple, étaient connus des anciens. Mais il n’est pas question de les distiller, ni surtout d’en extraire un principe plus actif, dans les passages de Rasés dont j’ai eu connaissance. Quant à Albucasis ou Abulcasim, médecin espagnol de Cordoue, mort en 1107, dans les ouvrages de pharmacie qui lui sont attribués, on trouve seulement un appareil distiUatoire destiné à préparer l’eau de rose, appareil qui ne diffère pas, en principe, de ceux des vieux alchimistes grecs.

Établissons d’abord cette identité, fort digne d’attention. Elle résulte de la phrase suivante, qu’il est utile de donner in extenso : « Prenez une marmite d’airain, pareille à celle des teinturiers ; placez-la derrière la muraille et placez dessus un couvercle fabriqué avec précaution, avec des tubulures, auxquelles on ajuste des récipiens ; disposez d’une façon intelligente. »

Ailleurs, le nombre des tubulures est fixé à deux ou trois. Or cette description s’applique fort exactement aux alambics à deux et trois becs de la Chrysopée de Cléopâtre, de Zosime et des alchimistes alexandrins.

Ainsi les Arabes, au commencement du XIVe siècle, se servaient encore des appareils distillatoires compliqués des alchimistes gréco-égyptiens.

Les alambics à plusieurs becs étaient encore en usage au XVIe siècle, chez les alchimistes occidentaux. Dans le Traité de Porta, intitulé : Magie naturelle, qui, est un recueil de