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certaine confusion : c’est ce qui rend la lecture et l’interprétation des vieux auteurs si difficile.

Le pas décisif pour la connaissance de la distillation fut franchi en Égypte. Là furent inventés les premiers appareils distillatoires proprement dits, au cours des premiers siècles de l’ère chrétienne. Ils sont décrits avec précision dans les ouvrages de Zosime, auteur du IIIe siècle, d’après les traités techniques de deux femmes alchimistes, nommées Cléopâtre et Marie. En marge du manuscrit grec de Saint-Marc, sont les dessins mêmes des appareils, et ces dessins sont strictement conformes au texte grec du vieil auteur. J’ai reproduit ailleurs ces figures et cette description. L’appareil est constitué par une chaudière, ou plutôt par un récipient en forme de ballon, où l’on plaçait le liquide ; mais le couvercle est remplacé par un système plus compliqué, savoir un large tube surmontant le ballon, et aboutissant par en haut à un chapiteau, en forme aussi de ballon renversé, pour la condensation. Ce chapiteau est pourvu de tubes latéraux coniques et inclinés vers le bas, destinés à recueillir le liquide condensé et à en permettre l’écoulement au dehors, dans de petits ballons.

Toutes les parties essentielles d’un appareil distillatoire sont dès lors définies. Ce sont ces tubes latéraux et leurs récipiens qui constituent le progrès capital et qui caractérisent l’alambic. Le nom même d’alambic, tel que nous l’employons, résulte de l’adjonction de l’article arabe al avec le nom grec ambix, déjà employé par Dioscoride pour désigner le couvercle condensateur. Les mots békos, bikos, bikiou, sont inscrits dans les figures de Zosime, à la fois sur le ballon supérieur (chapiteau), où s’opère la condensation, et sur les récipiens latéraux, qui reçoivent le liquide distillé. Telle est l’origine exacte de ce nom alambic, aujourd’hui connu et répété jusque dans nos plus petits villages par les bouilleurs de cru.

L’un des caractères distinctifs de l’alambic primitif décrit par Zosime, c’est la multiplicité des tubes abducteurs de la vapeur : il distingue ainsi les alambics à deux becs et à trois becs, c’est-à-dire le dibicos et le tribicos. L’écoulement de la vapeur avait lieu simultanément par ces becs multiples, et la condensation s’opérait dans deux ou trois récipiens à la fois.

Dans une autre figure on voit un alambic à un seul bec, pourvu celui-ci d’un large tube de cuivre ; enfin un alambic décrit par Synésius, auteur de la fin du IVe siècle, et figuré dans des manuscrits moins anciens, montre la chaudière avec son chapiteau, pourvu d’un tube unique, le tout chauffé dans un bain-marie. C’est là une forme qui n’a guère varié jusqu’au XVIe siècle. Peut-être