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complet. Même, il est plus favorable qu’aucun autre, car la grande masse d’eau dans laquelle sont disséminés les principes fertilisans en facilite la répartition dans les tissus végétaux.

La cinquième partie à peine de l’eau épurée par le sol descend bien, en effet, dans les profondeurs, et par les drains va, sans leur causer de tort, se mêler aux ruisseaux et aux rivières. Mais le reste, les quatre cinquièmes, circule dans les multiples vaisseaux des plantes, leur apportant les élémens de fertilité. Ce rôle accompli, cette eau quitte la plante ; elle s’évapore. Vapeur légère, elle s’élève dans les hauteurs de l’atmosphère, y devient nuage ;


Comme un mirage errant, il flotte et il voyage.
Coloré par l’aurore et le soir tour à tour,
Miroir aérien, il reflète au passage
Les sourires changeans du jour[1].


La brise le pousse ; il arrive aux collines de Champagne, s’y résout en pluie. À travers les mille chemins que lui offre la craie fissurée, l’onde accourt aux sources ombreuses de la Vanne. La voici dans l’aqueduc : de nouveau, la voici à Paris. Elle s’y retrouve, brillante et claire, avec les fruits et les légumes, luxurians produits des champs irrigués. Trop court instant de triomphe ! Bientôt, hélas ! transformés, déshonorés, il leur faudra, reprenant ensemble le sombre chemin de l’égout, venir demander au sol une nouvelle purification.


:Quand donc la chose meurt, tout ne meurt pas en elle,
:Des débris de chaque Être, un nouvel être sort ;
:Ainsi toute naissance est l’œuvre d’une mort[2].


Telle est la théorie, — si le mot n’est pas trop ambitieux, — de l’épuration des eaux par le sol cultivé. Personne n’en conteste plus les effets, démontrés, d’ailleurs, par de nombreuses applications.

Cependant, une objection a été faite, qui, si elle était reconnue fondée, devrait rendre très circonspect à l’égard de ce procédé, quelque efficacité qu’on lui trouve par ailleurs. — Elle est de nature à d’autant plus frapper qu’elle prétend s’inspirer des travaux et des découvertes de M. Pasteur. L’illustre maître a démontré, avec cette rigueur scientifique qui est le bon renom de ses méthodes, que les germes particuliers à certaines affections morbides, la flacherie des vers à soie, le charbon des bêtes ovines et la

  1. Mme L. Ackermann, le Nuage.
  2. Lucrèce, de Natura rerum, liv. Ier ; traduction de M. Sully-Prudhomme.