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ajoute quelque peu, tantôt 15, tantôt 20 kilomètres. Toutefois, on peut considérer l’œuvre de Belgrand comme accomplie dans son ensemble.

C’est ainsi que, dans la nature, on voit d’abord un mince filet d’eau formé de quelques gouttelettes de pluie, cheminer en serpentant sous les mousses de la forêt, se réunir à un voisin, puis à un autre encore, arriver à être le ruisselet, qui court murmurant doucement sur son lit de blancs cailloux, devenir ensuite ruisseau, puis rivière, fleuve enfin roulant vers la mer la masse imposante des eaux recueillies dans toute l’étendue du bassin. Mais l’analogie s’arrête là. Sage et économe de ses moyens, la nature proportionne le lit à l’importance du cours d’eau qui va l’occuper. Celui du ruisselet n’est qu’une rainure, à peine appréciable, sur le sable du coteau ; le ruisseau ne s’ouvre que le chemin utile au débit de ses naissantes eaux ; la rivière, le fleuve, élargissent progressivement leurs bords à mesure que de nouveaux affluens leur apportent de nouveaux tributs, ils conservent ainsi la vitesse nécessaire à leurs flots pour transporter jusqu’à la mer l’alluvion dont ils sont chargés. Les cours d’eau qui contreviennent à cette loi de proportion sont bientôt obstrués et transforment leurs estuaires en de déplorables marécages. Les égouts de Paris ne procèdent pas d’une conception aussi simple, et l’art a prétendu y surpasser la nature. On a demandé à l’égout des services multiples. Être seulement l’émissaire des eaux impures est trop peu pour lui. Il faut d’abord qu’en outre il reçoive les boues et les sables provenant de la chaussée. On voulait, en effet, supprimer le tombereau, où, jusqu’alors, on chargeait à la pelle ces encombrans déblais amoncelés en tas par le balayage sur le bord des voies publiques. L’opération était, il est vrai, incommode et désagréable aux passans, onéreuse pour la ville. L’égout dut s’en charger. Mais ces débris des chaussées représentaient encore, il y a douze ans, un volume annuel de plus de 100,000 mètres cubes. La substitution du pavage en bois au macadam dans nos quartiers luxueux en a peut-être diminué l’importance. Pas d’une façon bien sensible, probablement, car si, en 1880, il y avait 1,800,000 mètres carrés de chaussées empierrées, il y en avait encore 1,510,000 en 1889. La substitution s’est donc opérée sur le pied de 30,000 mètres carrés par an : elle n’intéresse jusqu’à présent qu’un sixième de la superficie macadamisée, et n’a pas dû diminuer de beaucoup le cube des déblais projetés aux égouts.

L’eau, même si elle était prodiguée à torrens, ne peut faire cheminer ces matériaux, dont la densité est relativement considérable. Ils se déposent au fond des cunettes, y forment des amas,