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furent ainsi, par un enchaînement naturel, entrepris au même moment et sous les mêmes inspirations. Belgrand mit au service de ces grandes œuvres l’ardeur de conception et la rapidité de décision qui le caractérisaient, et son inspiration se retrouve encore dans ce qui s’est fait depuis lui. Progressivement, on est arrivé à la situation actuelle, et l’on peut dire que l’œuvre voulue en 1852 est aujourd’hui à peu près accomplie. Un vaste réseau d’égouts s’étend sous toute la ville.

Partant de la façade de chaque maison, un tronçon de galerie souterraine, — ce qu’on appelle un branchement particulier, — vient déboucher dans l’égout public, situé au milieu de la rue, quand celle-ci est de largeur ordinaire, sur chacun des côtés dans les grandes voies. C’est d’abord l’égout direct ou primaire, qui prend naissance au point le plus haut de la rue et en suit la pente jusqu’à la rencontre de l’égout secondaire circulant sous la rue transversale. Le secondaire va au tertiaire ; le plus souvent celui-ci se ramifie sur un autre, et ainsi de suite jusqu’à ceux qu’on appelle collecteurs secondaires ou égouts principaux, branches maîtresses de ces troncs majestueux qui sont les grands collecteurs. De ceux-ci chaque rive a le sien. Celui de droite part du Châtelet, suit les quais jusqu’à la place de la Concorde, et de là, remontant vers la Madeleine, s’enfonce sous les hauteurs de Monceau pour arriver, presque en droite ligne, jusqu’à la Seine, en face d’Asnières. C’est un spacieux tunnel de 4m,40 de hauteur sous la clef de voûte, de 5m,60 de large. Deux banquettes y règnent le long d’une cunette, véritable lit de rivière large de 3m,50, profonde de 1m,35. De dimensions un peu plus modestes, le collecteur de la rive gauche, après avoir suivi l’ancien tracé de la Bièvre qu’il absorbe tout entière, suit les quais jusqu’au pont de l’Aima, franchit la Seine par un siphon et vient rejoindre le collecteur de la rive droite au-delà de Levallois, à peu de distance de son débouché. Leur développement est sensiblement de 17 kilomètres. Leurs flots réunis portent ainsi à Clichy les quatre cinquièmes environ des eaux souillées de Paris. Le surplus, provenant des hauteurs de Ménilmontant, de Belleville et de la Villette, est recueilli par le collecteur départemental, qui sort de Paris sous la porte de la Chapelle. Celui-ci reçoit en route la Rigole, spécialement infecte, de Bondy, les eaux résiduaires de Saint-Denis et des fabriques qui transforment en sulfate d’ammoniaque une partie de ce qui ne va pas encore à l’égout. Après un parcours de 11 kilomètres, il se jette dans la Seine en face de Villeneuve-la-Garenne. Le réseau des affluens représente 885 kilomètres, plus que la distance de Paris à Marseille. Les branchemens particuliers mis bout à bout formeraient un long conduit de près de 400 kilomètres. Chaque année, il s’en