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morbides, dangereuses semences des plus redoutables contagions. Les tuyaux d’évent les répandent dans l’atmosphère en vivantes poussières, souvent avec d’insupportables odeurs. Par les inévitables fissures d’une maçonnerie qui est rarement étanche, quoi qu’on fasse, ils pénètrent dans le sol environnant, s’y propagent, réserves toujours mobilisables de l’invasion épidémique. Les procédés d’extraction et de transport ont été perfectionnés autant que possible ; ils n’en restent pas moins des opérations tout au moins désagréables, souvent et à bon droit suspectes d’insalubrité. L’industrie enfin ne peut travailler ces hideux produits qu’en incommodant le voisinage dans un rayon assez étendu ; elle n’en traite d’ailleurs économiquement que la partie la plus riche en ammoniaque : et ses dépotoirs, souvent combles, envoient leur superflu se perdre dans la Seine.

Le maintien de ce système arriéré est pour tous les hygiénistes l’une des principales causes de la fréquence et de l’intensité à Paris de certaines maladies dues aux fermens, et pour cela appelées zymotiques : telles sont la fièvre typhoïde et la diphtérie qui font chaque année chez nous plus de victimes que partout ailleurs.

On demande la suppression de ce procédé répugnant et inhumain. Suivant une formule qu’il ne faut pas se lasser de répéter, on pose comme condition nécessaire de tout assainissement, l’écoulement sans stagnation possible et le rejet au loin, avant toute fermentation, des matières impures et des eaux usées de la vie et de l’industrie. C’est le tout à l’égout.

Nouveauté en France et nouveauté qui, en dehors des milieux scientifiques, se heurte encore à beaucoup de scepticisme, de préjugés, et peut-être de mauvais vouloir, cette méthode d’assainissement est depuis plus de vingt ans adoptée par nombre de grandes villes des deux mondes. Londres, qui en jouit depuis longtemps, perd par la fièvre typhoïde 2 ou 3 habitans seulement sur 10,000. Bruxelles en perdait autrefois 10 à 11. Le tout à l’égout s’y établit en 1871. La mortalité typhoïdique tombe aussitôt à 4, descend ensuite à 3. À Francfort, elle est de 9 avant, de 3 après. À Berlin, l’état sanitaire était déplorable avant la dernière guerre ; le coefficient de la mortalité générale s’élevait à 377 pour 10,000 habitans ; après 1871, il atteignait jusqu’à 391. On entreprend en 1875 les travaux d’assainissement, établis sur le principe du tout à l’égout et de l’épuration par l’irrigation : on les poursuit avec méthode et activité ; la mortalité suit une marche progressivement décroissante : elle arrive à 272. Quant à la mortalité spéciale à la fièvre typhoïde, elle était de 5 avant les travaux ; ceux-ci la font baisser de moitié. — Les hygiénistes berlinois ont même poussé leurs investigations statistiques jusqu’à un détail qui