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haut du Vatican produisent visiblement leur effet dans la masse du pays et dans le monde religieux. De résistance il n’y en a plus réellement, sauf ces résistances de position et d’honneur auxquelles M. d’Haussonville prêtait l’autre jour l’appui de son éloquence. On dirait cependant que plus les gages de paix publique et de stabilité se multiplient, plus le doute et l’insécurité rentrent dans les esprits, que toutes ces chances heureuses, qui se sont réunies un instant, risquent encore une fois de se perdre sans profit, faute d’une direction, faute d’une idée supérieure et d’une volonté là où elles devraient être. On dirait qu’à ce mouvement de pacification intérieure et de ralliement qui se manifeste un peu partout, répond un autre mouvement de désorganisation et de désarroi dans le gouvernement, qui laisse parler M. le président de la république et s’efface le plus qu’il peut, qui réduit son rôle à jouer son jeu éternel entre les partis et, en craignant de se compromettre avec les uns ou les autres, finit par s’affaiblir devant tous. Le fait est qu’on en est là, et qu’au moment où les chambres vont se réunir, on recommence à voir toute sorte de signes de crises prochaines, de menaces pour le ministère. Il y a les difficultés de ces agitations ouvrières et de cette anarchie des municipalités socialistes, auxquelles le ministère n’a su opposer que son inertie ou ses ambiguïtés ; il y a les difficultés de cette convention commerciale avec la Suisse que le gouvernement a signée, qu’il a eu raison de signer, — et qu’il aura peut-être de la peine à soutenir jusqu’au bout contre les protectionnistes, parce qu’il n’a plus assez d’autorité. Bref, il y a cela et bien d’autres choses à ce début de session où toutes les surprises redeviennent possibles ; les embarras sont évidens, — et le secret, tout le secret de cette situation, c’est qu’il n’y a pas de gouvernement.

Rien certes ne le prouve mieux, rien n’est plus caractéristique et plus curieux, que cette triste et interminable grève de Carmaux qui aurait pu n’être rien et qui finit par être une sorte d’événement, une crise sans raison, sans profit et sans issue. Où veut-on cependant en venir, et comment cela finira-t-il ? — Comment elle est née, cette grève, on le sait. Parce que la compagnie des mines de Carmaux, usant du plus simple des droits, a cru devoir congédier un ouvrier qui s’occupait fort peu de son travail, mais qui s’est trouvé être conseiller municipal, maire de sa commune, une population tout entière a été enlevée à ses labeurs, à la vie régulière, à la sécurité. Au fond, ce n’était qu’une assez petite affaire toute personnelle, qui ne touchait en rien aux relations permanentes entre la compagnie et ses ouvriers, aux conditions du travail ; elle a été grossie par les excitations, par les immixtions d’agitateurs étrangers au pays, — parce que là où il n’y avait qu’un incident peu grave, on s’est plu à susciter un conflit plus ou moins politique, une lutte organisée, compliquée de toutes les passions. Aujourd’hui,